Diplomatie culturelle francophone en action
Au sein du vaste échiquier de la diplomatie multilatérale, la culture s’impose depuis plusieurs années comme un vecteur privilégié de rayonnement et de dialogue. L’Organisation internationale de la Francophonie, forte de ses 88 États et gouvernements membres, l’a bien compris : soutenir la circulation des œuvres et des artistes francophones, c’est consolider un espace commun de valeurs tout en renforçant la visibilité de chaque pays qui le compose. Brazzaville, qui accueillera le Festival panafricain de musique (FESPAM) en 2025, s’inscrit désormais dans cette stratégie comme un nœud incontournable de la scène culturelle africaine.
En annonçant une séance d’information le 24 juillet à l’issue d’une masterclass consacrée à la découvrabilité musicale, l’OIF manifeste sa volonté de passer du discours à l’opérationnel. Pour les autorités congolaises, l’initiative est l’illustration tangible d’une convergence d’intérêts : promouvoir la diversité culturelle tout en confortant le soft power du Congo-Brazzaville, déjà hôte de grands rendez-vous politiques et économiques dans la sous-région.
Objectifs stratégiques de la séance du 24 juillet
La rencontre, pilotée par le coordonnateur de projets Kanel Engandja Ngoulou, vise d’abord à démocratiser l’accès à l’information. Dans un secteur où la barrière linguistique et la fracture numérique freinent encore l’identification des aides existantes, une présentation en présentiel reste le moyen le plus efficace pour toucher les créateurs qui, faute de réseau stable ou de temps, consultent rarement les plateformes en ligne de l’OIF.
Au-delà de cette dimension pédagogique, l’événement répond à un besoin diplomatique clair : consolider les relations entre la Francophonie institutionnelle et les opérateurs culturels nationaux. En traduisant les orientations de la Déclaration de Djerba de 2022 sur la mobilité des artistes, la séance brazzavilloise contribue à ancrer la diplomatie culturelle dans le quotidien des praticiens congolais, évitant que les grandes résolutions adoptées dans les sommets ne restent lettre morte.
Mobilité artistique et financements : deux fonds clés
Au cœur des discussions figureront deux instruments financiers tenus à jour par l’OIF. Le premier facilite la mobilité des artistes et des promoteurs culturels, notamment en prenant en charge les billets d’avion, les frais de visa et, le cas échéant, une partie des cachets lorsque la présence de l’artiste revêt un intérêt stratégique pour la Francophonie. Le second accompagne la production ou la diffusion d’œuvres, toutes disciplines confondues : musique, cinéma, danse, slam, littérature, voire formes hybrides émergentes qui bousculent les classifications classiques.
Le message est clair : la sélection ne repose pas sur une dimension politique ou sociale prédéterminée, mais sur la qualité du projet artistique, son potentiel de rayonnement et sa capacité à créer des ponts entre territoires francophones. Cette ouverture constitue un atout de taille pour les créateurs congolais, nombreux à revendiquer une pratique artistique indépendante et à chercher un tremplin vers les scènes européennes et nord-américaines sans renoncer à leur ancrage local.
Brazzaville au carrefour de la francophonie culturelle
En accueillant la douzième édition du FESPAM et en servant de plateforme à la diplomatie culturelle de la Francophonie, Brazzaville confirme un positionnement géopolitique qui dépasse le simple spectacle. La capitale congolaise, déjà reconnue pour son rôle dans la conférence de paix sur la Libye en 2018, capitalise désormais sur la légitimité que lui confère son patrimoine musical et la richesse de son écosystème créatif. Cette stratégie de rayonnement s’inscrit en cohérence avec la feuille de route définie par les autorités visant à diversifier l’économie nationale au-delà des hydrocarbures et des minerais.
Le pari est d’autant plus pertinent que le marché africain de la musique enregistrée connaît une croissance annuelle supérieure à 10 %, selon les données de l’International Federation of the Phonographic Industry. En renforçant la chaîne de valeur locale — formation, production, diffusion —, le Congo ambitionne de retenir davantage de richesses sur son territoire tout en exportant des talents capables de porter une image dynamique et pacifique du pays.
Perspectives pour la scène congolaise et régionale
À court terme, la séance du 24 juillet devrait permettre d’identifier des porteurs de projets prêts à intégrer les circuits de résidence et de tournée soutenus par l’OIF. À moyen terme, l’enjeu est plus large : créer un effet d’entraînement qui encourage les collectivités locales, les entreprises et les banques à développer des produits financiers spécifiquement adaptés aux industries culturelles. L’État congolais, qui a déjà initié des réformes fiscales en faveur de la création, trouvera là un allié de taille pour crédibiliser son action et attirer l’investissement privé.
À l’échelle régionale, le couple FESPAM-OIF offre une fenêtre inédite pour fédérer les pays d’Afrique centrale autour d’une diplomatie culturelle concertée. Qu’il s’agisse de mutualiser des infrastructures de spectacle vivant ou de mettre en place des visas culturels régionaux, les pistes de coopération ne manquent pas. En créant les conditions d’une circulation fluide des artistes et des idées, Brazzaville se positionne comme un « facilitateur » dont l’influence pourrait, à terme, dépasser le seul registre musical pour toucher l’ensemble des industries créatives. Pour les diplomates en poste comme pour les décideurs politiques, le rendez-vous du 24 juillet constituera un baromètre décisif de cette ambition.