Un tête-à-tête présidentiel porteur d’élan
Brazzaville a accueilli le 15 octobre un échange direct entre Denis Sassou Nguesso et Umaro Sissoco Embaló. Les deux chefs d’État, installés au Palais du peuple, ont consacré plusieurs heures à passer en revue l’état et les perspectives du partenariat Congo–Guinée-Bissau.
Selon les cercles diplomatiques présents, la rencontre s’est déroulée dans une atmosphère jugée « cordiale et constructive ». L’objectif affiché consiste à passer d’une coopération essentiellement politique à un maillage plus dense d’intérêts économiques et stratégiques.
Des groupes de travail pour structurer l’action
À l’issue de l’entretien, les présidents ont annoncé la création prochaine de groupes de travail mixtes. Chaque équipe aura pour mandat d’identifier les gisements de valeur, de fixer un calendrier opérationnel et de suivre les projets jusqu’à leur mise en œuvre.
Les domaines visés couvrent l’agriculture, les mines, le pétrole, l’industrie, les services et le commerce. « Nous voulons transformer les intentions en actions suivies et mesurables », a confié un conseiller congolais, soulignant la volonté d’obtenir des résultats visibles dès 2024.
Les acquis de l’accord-cadre de 2022 consolidés
Les deux dirigeants ont rappelé l’accord-cadre signé à Bissau le 11 janvier 2022. Ce texte supprime les visas pour les titulaires de passeports diplomatiques et établit un mécanisme de concertation politique régulière.
Depuis son entrée en vigueur, l’accord a facilité les missions d’experts et les visites officielles. « Il s’agit maintenant d’ouvrir la porte aux opérateurs privés afin qu’ils profitent du même élan », a déclaré un diplomate bissau-guinéen présent à Brazzaville.
Objectif : booster les échanges économiques
Sur le terrain commercial, les volumes restent modestes mais jugés prometteurs. Le Congo exporte principalement des produits pétroliers raffinés, alors que la Guinée-Bissau dispose d’un potentiel dans la noix de cajou et le poisson.
Les groupes de travail entendent mettre en relation les chambres de commerce, cartographier les complémentarités logistiques et proposer des incitations fiscales adaptées. « De bonnes routes administratives valent parfois plus que des routes physiques », a glissé un responsable congolais du commerce extérieur.
Agriculture et énergie : deux piliers identifiés
L’agriculture fait figure de priorité partagée. Brazzaville voit dans le sol bissau-guinéen un terrain propice aux cultures vivrières pouvant alimenter les marchés congolais. De son côté, Bissau s’intéresse à l’expertise congolaise dans la mécanisation et l’irrigation.
Le secteur énergétique concentre aussi l’attention. La Société nationale des pétroles du Congo et la compagnie publique bissau-guinéenne échangent déjà des données sur le développement offshore. Un protocole d’entente technique est en cours de rédaction pour partager formation et savoir-faire en géophysique.
Industrie et services : cap sur la valeur ajoutée
Les deux pays misent sur la transformation locale pour retenir la valeur. Des discussions exploratoires portent sur le montage d’une petite unité de décorticage de noix de cajou à Pointe-Noire, adossée au port en eau profonde. Côté congolais, des PME s’intéressent aux opportunités de maintenance navale à Bissau.
Les services bancaires et numériques ne sont pas oubliés. Les ministres sectoriels envisagent de faciliter l’implantation réciproque de fintechs et de banques, afin de sécuriser les paiements transfrontaliers et de soutenir l’e-commerce émergent entre Yaoundé, Bissau et Brazzaville.
Calendrier et attentes des opérateurs privés
Un premier rapport intermédiaire des groupes de travail est attendu avant la fin du premier trimestre 2024. Les fédérations patronales saluent la visibilité donnée au calendrier et espèrent un cadre réglementaire simplifié pour l’investissement.
« Nous avons besoin de guichets uniques et de procédures digitalisées pour éviter les aller-retour coûteux », estime un entrepreneur congolais du secteur des engrais, persuadé que la demande bissau-guinéenne peut déclencher de nouvelles lignes de production locales.
Vers une intégration régionale accrue
Cette coopération Sud-Sud relie l’Afrique centrale à l’Afrique de l’Ouest et illustre la vocation panafricaine portée par Brazzaville. Les diplomates rappellent que la libre circulation des capitaux et des compétences reste un levier puissant pour accélérer la Zone de libre-échange continentale.
En renforçant ses liens avec Bissau, le Congo diversifie ses partenariats tout en valorisant son savoir-faire. « L’esprit est à la complémentarité, non à la concurrence », résume un universitaire congolais, pour qui la mutualisation des ressources conforte la résilience économique des deux États.
Une dynamique à suivre de près
La rencontre de Brazzaville débouche sur une feuille de route dense et mesurable, saluée par les observateurs comme un pas supplémentaire vers un partenariat équilibré. Les premiers résultats des groupes de travail permettront de juger de la profondeur réelle de cette alliance.
En attendant, le dialogue politique régulier, la suppression des visas diplomatiques et la volonté commune de stimuler le commerce dessinent déjà un horizon plus intégré entre les deux capitales atlantiques.