Un outil d’ingénierie au cœur de la vision gouvernementale
À l’heure où les États d’Afrique centrale recherchent des catalyseurs de développement capables de concilier sécurité et essor économique, la République du Congo mise sur la renaissance de son génie travaux. Chargée d’études par le ministère de la Défense, l’équipe mandatée par le Programme des Nations unies pour le développement a remis, fin juin, une esquisse stratégique saluée par Brazzaville. « Nous voulons doter le pays d’une capacité d’ingénierie souple et réactive, en phase avec nos objectifs de modernisation territoriale », a résumé Adama Dian-Barry, représentante résidente du PNUD, à la sortie de l’audience accordée par le ministre Charles Richard Mondjo.
Une démarche civilo-militaire pensée pour la résilience
La future unité de génie travaux sera placée sous l’égide d’une structure de commandement hybride, mêlant officiers du génie militaire, ingénieurs civils et experts du développement. Selon la mouture transmise, l’approche privilégie un recrutement ouvert aux diplômés des écoles polytechniques nationales et à des profils issus du secteur privé, afin de capter les meilleures compétences sans alourdir la chaîne décisionnelle.
Les responsables insistent sur la dimension duale du dispositif : intervenir en appui aux forces armées pour les besoins logistiques tout en fournissant un bras opérationnel à l’État dans la construction de voiries, de ponts et de réseaux hydrauliques, notamment dans les zones enclavées du Niari, de la Sangha ou des Plateaux. Le modèle renvoie à des expériences menées au Sénégal et au Ghana, saluées pour leur impact stabilisateur.
Formation et équipement : un pari sur le capital humain
Au-delà de l’instrumentalisation technologique, le document prévoit la mise en place d’un centre de perfectionnement adossé au Collège interarmées de défense. « L’investissement principal portera sur la formation managériale et la maintenance préventive, gages de durabilité », souligne un cadre du ministère en charge du projet. Les sessions, élaborées avec l’École nationale supérieure des travaux publics, couvriront la topographie numérique, la gestion de chantier en climat équatorial ainsi que la logistique humanitaire.
Sur le plan matériel, l’acquisition d’engins à faible empreinte carbone adaptés aux pistes forestières figure en bonne place. Les partenaires entendent favoriser un transfert technologique progressif, afin que l’entretien et la production de pièces détachées soient localisés à moyen terme dans la zone industrielle de Maloukou.
Gouvernance, transparence et ancrage financier
Conscient des exigences de bonne gouvernance des bailleurs, le ministère propose la création d’une unité centrale de gestion dotée d’un système d’information budgétaire totalement aligné sur la nomenclature du Trésor public. Un reporting trimestriel sera présenté à la Commission mixte Défense-Économie, assurant la traçabilité des dépenses et la conformité aux standards internationaux.
Le financement initial, estimé à dix-huit milliards de francs CFA pour la phase de démarrage, mobilise une combinaison d’enveloppes nationales et de guichets onusiens. À terme, l’objectif est d’autofinancer 40 % des coûts par la commercialisation de prestations de génie civil auprès d’agences publiques et de sociétés minières opérant dans le nord du pays.
Rayonnement régional et diplomatie des infrastructures
Au-delà des frontières congolaises, ce projet conforte l’image d’un Congo promoteur de solutions de paix par le développement. Dans un contexte de reconfiguration sécuritaire du bassin du Congo, la capacité à déployer rapidement des ponts modulaires ou des unités de pompage mobile peut devenir un atout pour les missions de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, voire pour les opérations de soutien à la paix de l’Union africaine.
Plusieurs chancelleries à Brazzaville voient déjà dans cette initiative un vecteur de coopération sud-sud. Un diplomate d’Afrique australe confie : « Cette unité pourrait demain intervenir en appui à la reconstruction post-catastrophe chez ses voisins, renforçant la solidarité régionale tout en valorisant l’expertise congolaise. »
Cap sur la mise en œuvre
La feuille de route prévoit une validation interministérielle avant la fin de l’année, suivie du recrutement des premiers contingents au premier semestre 2024. Pour le ministre Mondjo, « il s’agit moins de créer une nouvelle structure que d’insuffler une culture d’efficacité dans nos interventions d’urgence et nos projets d’infrastructures ».
Si le calendrier est respecté, les premiers chantiers pilotes – ouverts de routes secondaires dans le Kouilou et électrification rurale autour de Zanaga – devraient démarrer dès la saison sèche prochaine. L’exécution effective de ces étapes sera scrutée par les observateurs internationaux, tant elle cristallisera la capacité du Congo à coupler ambitieux discours et résultats tangibles.
Perspectives et ligne d’horizon
En se dotant d’un génie travaux modernisé, la République du Congo affirme une volonté de mutualiser défense, développement et diplomatie. Portée par un partenariat étroit avec le PNUD, la stratégie ouvre des perspectives de croissance inclusive et de valorisation du capital humain local, tout en consolidant la stabilité intérieure. Le pari est audacieux : faire de l’ingénierie une arme non seulement au service du territoire, mais aussi de l’influence congolaises sur la scène régionale.