Élan national autour de l’intelligence artificielle
Le numérique congolais prend un nouvel élan: plus de cinq cents jeunes viennent de décrocher une bourse intégrale au sein de l’École du numérique et de l’intelligence artificielle, ENIA 2.0, inaugurant ainsi la deuxième promotion de l’établissement brazzavillois.
La cérémonie officielle du 3 novembre a réuni dirigeants, enseignants, parents et partenaires autour d’un même objectif : préparer une génération capable de maîtriser l’IA tout en créant de la valeur pour l’économie nationale.
Au-delà de la symbolique, l’initiative répond à une demande croissante de compétences dans des secteurs comme la santé, l’agriculture, l’énergie ou les services financiers, où l’intelligence artificielle s’annonce disruptive.
Un campus numérique en pleine expansion
Implanté dans le quartier Mfilou, le campus ENIA 2.0 s’étend désormais sur plus de 3 000 m², dotés de laboratoires connectés, d’un fablab et de salles immersives équipées de postes hautes performances.
L’établissement, piloté par un corps professoral local et international, dispose également d’un partenariat avec des fournisseurs cloud pour garantir aux apprenants un accès gratuit à des ressources calcul intensif.
Selon les responsables, l’infrastructure évoluera par étapes afin de couvrir, d’ici 2025, l’ensemble des départements grâce à des antennes régionales et des classes virtuelles.
Une bourse pour démocratiser l’IA
Le programme « Bourse mon avenir » vise à octroyer mille bourses sur l’année académique, la moitié ayant déjà trouvé preneur dans treize départements, y compris Pointe-Noire.
Les critères de sélection combinent résultats au baccalauréat, motivation et engagement communautaire, afin de favoriser un recrutement représentatif de la diversité sociale congolaise.
Chaque lauréat reçoit une prise en charge totale couvrant droits d’inscription, frais pédagogiques, ordinateur portable, connexion internet et kit académique complet.
Mongo Ossebi Pierre, directeur général, assure que le financement repose sur un modèle mixant partenariats privés et mécénat, sans frais cachés pour les étudiants.
Trois piliers pédagogiques pour l’excellence
La pédagogie de l’ENIA 2.0 s’articule autour de la compétence, de la rigueur et de la créativité, un triptyque pensé pour répondre aux standards internationaux.
Les programmes couvrent l’apprentissage automatique, la science des données, la cybersécurité, mais aussi l’éthique et la protection des données, sujet sensible dans l’écosystème numérique.
Chaque semestre, les étudiants développent un projet concret encadré par des mentors venant de start-ups, d’entreprises publiques et d’organisations internationales établies à Brazzaville.
Des cursus alignés sur le marché congolais
L’école a mené une étude auprès de cinquante entreprises locales confirmant que 60 % d’entre elles peinent à recruter des profils capables d’automatiser l’analyse de données.
En réponse, un certificat en data engineering sera lancé dès janvier, intégrant un module sur l’optimisation des chaînes logistiques pétrolières, secteur clef de l’économie congolaise.
Des accords de stage sont déjà signés avec des opérateurs télécoms, la société des chemins de fer et plusieurs banques afin d’ancrer la formation dans la réalité professionnelle.
Voix d’étudiants engagés
« L’IA est incontournable et grâce à cet institut je vais apprendre aisément », confie Éliane, nouvelle bachelière, tout sourire en brandissant son ordinateur fraîchement offert.
Pour Rodrigue, originaire d’Owando, la gratuité supprime la barrière financière ; il envisage déjà de développer une application d’aide au diagnostic pour les centres de santé de sa région.
Les étudiants de première année côtoient les anciens ; ces derniers, désormais mentors, témoignent d’un taux d’insertion de 70 % après douze mois, soit en stage, soit en création d’activité.
Un tremplin vers l’entrepreneuriat
ENIA 2.0 comprend un incubateur interne où les apprenants peuvent prototyper leurs solutions, bénéficier d’un accompagnement juridique et lever des fonds auprès de partenaires investisseurs.
En 2022, trois start-ups issues de la première cohorte ont réussi à décrocher un financement total équivalent à 120 millions de francs CFA, selon la direction.
L’objectif, souligne Chirel Mongo, est de former des acteurs du changement capables de concevoir des solutions locales aux problématiques d’accès à l’eau, de mobilité urbaine ou de gestion des déchets.
Perspectives pour l’écosystème national
Le ministère de l’Enseignement supérieur suit de près l’expérience ENIA 2.0, qu’il considère comme un laboratoire pour la future stratégie numérique nationale.
Des discussions sont engagées pour mutualiser certains contenus avec les universités publiques et faciliter la reconnaissance des diplômes au sein du Conseil africain et malgache de l’enseignement supérieur.
La Confédération patronale du Congo se dit prête à intégrer les étudiants formés aux projets d’automatisation industrielle, gage de compétitivité pour les entreprises locales.
Si les objectifs sont atteints, le pays pourrait disposer d’ici trois ans d’un vivier de mille spécialistes IA, condition favorable à la réussite du Plan national de développement 2022-2026.
Un comité d’experts prépare déjà l’obtention de labels internationaux, tels que ceux de l’UNESCO, afin de positionner l’école comme centre d’excellence régional et attirer des étudiants d’Afrique centrale.
Dans le même temps, une plateforme en ligne est en cours de finalisation ; elle permettra aux Congolais de la diaspora de suivre des modules spécialisés à distance et de contribuer au mentorat.
Pour l’heure, les 500 nouveaux boursiers prennent place derrière leurs écrans flambant neufs, conscients qu’ils forment la première ligne d’un chantier numérique capable de transformer durablement la société congolaise.
