Un rendez-vous stratégique pour l’artisanat congolais
Du 11 au 25 août 2025, Brazzaville se muera en capitale régionale du bois à l’occasion de la quatrième édition du Salon des métiers du bois. Placé sous le thème « Bois et artisanat : de la forêt à la maison, consommons congolais », l’événement est porté par le ministère des Petites et moyennes entreprises et de l’Artisanat, en étroite coordination avec le département de l’Économie forestière. Les autorités entendent offrir, quinze jours durant, une vitrine où convergeront créateurs, industriels, universitaires et investisseurs, tous animés par la volonté de valoriser un matériau dont le Congo est l’un des producteurs historiques sur le continent.
Le choix d’un salon thématique répond à une double dynamique : conforter l’artisanat local comme moteur de création d’emplois et afficher la détermination gouvernementale à réduire la dépendance vis-à-vis des importations de meubles. « Le Congo a fait l’option d’une transformation plus poussée du bois », rappelait la ministre Rosalie Matondo lors d’une visite du site. Au-delà du discours, les indicateurs attestent d’une montée en gamme : la part du mobilier fabriqué localement sur le marché urbain est passée, selon la Fédération des artisans du bois, de 18 % en 2018 à 32 % en 2024.
Le Village artisanal, laboratoire d’intégration régionale
Le salon prendra ses quartiers sur un espace de 5 600 m² baptisé « Village artisanal », situé entre le stade Président Alphonse Massamba-Débat et l’avenue des 1er Jeux africains. À l’abri de structures modulaires dessinées par un collectif d’architectes congolais, 1 200 m² de stands mutualiseront l’exposition, la vente et les démonstrations techniques. La scénographie mettra l’accent sur la chaîne de valeur, de la sélection des essences à la pièce finie prêt-à-l’emploi, illustrant ainsi l’ambition de transparence et de traçabilité exigée par les marchés internationaux.
La dimension régionale est déjà perceptible. Cinq pays – Gabon, République démocratique du Congo, Angola, Namibie et Kenya – ont confirmé leur participation officielle, annonçant la venue de délégations mixtes, composées de représentants ministériels et de groupements professionnels. Cette ouverture souligne la volonté de Brazzaville de faire du SAMEB un forum d’intégration, où se négocient, à côté des contrats commerciaux, de futurs protocoles de coopération scientifique sur la sylviculture durable.
Promotion du « consommons congolais » et souveraineté économique
La campagne « Consommons congolais », relancée l’an dernier, trouve dans le salon un relais tangible. Les organisateurs entendent convaincre les ménages urbains d’opter pour des meubles locaux, dont la qualité a, selon la ministre Jacqueline Lydia Mikolo, « largement franchi le seuil de la compétitivité internationale ». Les arguments ne sont pas seulement patrimoniaux : acheter congolais, c’est soutenir un tissu de 4 500 ateliers employant directement près de 24 000 personnes, selon les derniers chiffres de la Confédération des métiers de l’artisanat.
Les économistes soulignent que l’importation annuelle de mobilier grève encore la balance commerciale de près de 55 millions de dollars. Réorienter ne serait-ce que 20 % de cette demande vers la production nationale générerait, d’après le Centre d’études et de recherches sur le développement, un effet multiplicateur estimé à 1,7 sur la valeur ajoutée intérieure. L’enjeu dépasse donc le seul registre identitaire pour toucher à la souveraineté économique et à la résilience des chaînes d’approvisionnement.
Transformation du bois, un levier de diversification nationale
Le secteur forestier congolais est engagé, depuis la mise en œuvre du moratoire sur l’exportation de grumes brutes, dans un processus de transformation locale obligatoire. Cette politique, saluée par plusieurs partenaires techniques, vise à contenir l’empreinte carbone liée au transport maritime tout en captant davantage de valeur ajoutée sur le territoire. Les unités industrielles de deuxième et troisième transformation représentent déjà 14 % du PIB industriel, une proportion appelée à croître avec l’arrivée de deux nouvelles usines d’ici à 2026.
Ces investissements bénéficient d’incitations fiscales encadrées par le Code des investissements révisé en 2022, lequel fixe des objectifs précis en matière de formation. Chaque entreprise admise au régime préférentiel doit consacrer au moins 3 % de sa masse salariale à la montée en compétences. Le SAMEB servira, à cet égard, de bourse de l’emploi, puisque l’Institut national du bois y installera un espace de recrutement visant à rapprocher la jeunesse diplômée des opérateurs privés.
Coopérations africaines et diplomatie environnementale
Au carrefour des questions économiques et environnementales, la politique congolaise du bois s’adosse à des engagements internationaux, notamment l’Agenda 2063 de l’Union africaine et le Partenariat pour les forêts du bassin du Congo. L’accueil du SAMEB conforte l’image d’un pays force de proposition dans les négociations climatiques, tout en rappelant que la préservation des forêts n’est viable que si elle s’accompagne de bénéfices socio-économiques pour les populations riveraines.
Dans un contexte où la concurrence asiatique s’intensifie sur le marché du meuble, les artisans congolais misent sur l’originalité du design inspiré des cultures kongo, téké ou mbochi pour se différencier. Des accords de labellisation éthique, en discussion avec la Commission de la CEEAC, devraient être annoncés en marge du salon, donnant une portée diplomatique supplémentaire à l’événement. Comme l’a résumé un expert du Centre africain d’études stratégiques : « Le SAMEB constitue bien plus qu’une foire commerciale ; il s’impose comme un instrument de soft power vert, au service d’une Afrique qui se raconte par son artisanat et se projette dans l’économie du futur. »