La CEMAC s’arme d’un outil numérique de confiance
La Banque des États de l’Afrique centrale a levé le voile sur « BEAC NG2020 », première application mobile maison vouée à l’authentification des billets de banque. Grâce à la réalité augmentée et à des repères visuels codifiés, l’outil permet à tout détenteur d’un smartphone de comparer en temps réel les signes de sécurité des coupures de la nouvelle gamme avec le référentiel officiel publié par la banque centrale. Pour la CEMAC, cette avancée répond à un triple impératif : protéger l’épargne des ménages, sécuriser les transactions commerciales et affermir l’image de marque de la zone monétaire sur les places financières internationales.
Technologie et pédagogie monétaire au service du citoyen
L’application, disponible sur les principaux stores, a été développée en partenariat avec une société franco-camerounaise spécialisée dans la cybersécurité, signe de la volonté de la BEAC de conjuguer expertise locale et standards internationaux. Outre la simple détection de faux billets, l’interface propose des modules didactiques dédiés à la lecture tactile des filigranes, aux hologrammes variables selon l’angle de vue et aux micro-lettres difficilement reproductibles. « Nous voulons rendre chaque citoyen acteur de la traque contre la contrefaçon », a résumé le gouverneur Yvon Sana Bangui lors de la cérémonie de lancement (BEAC, 2023).
Un phénomène économique encore sous-estimé
Si les statistiques manquent de précision, les régulateurs estiment que la contrefaçon monétaire ampute chaque année plusieurs dizaines de milliards de francs CFA aux économies de la sous-région, principalement via les coupures de 5 000 et 10 000 F. Cette hémorragie, souvent associée au financement de réseaux criminels transfrontaliers, érode l’assiette fiscale et complique la conduite des politiques monétaires. En s’appuyant sur l’analyse de la Banque mondiale, certains économistes rappellent que la seule perception d’un risque de faux billets suffit à accroître la préférence pour les devises étrangères, pesant sur la liquidité domestique.
Le Congo-Brazzaville, maillon stratégique du dispositif
À Brazzaville, les autorités financières ont salué ce déploiement technologique qui complète les efforts déjà engagés dans la Stratégie nationale de digitalisation portée par le gouvernement du président Denis Sassou Nguesso. Le ministère congolais des Finances souligne qu’une large diffusion de l’application auprès des commerçants des marchés urbains comme Poto-Poto ou Total pourrait réduire sensiblement les pertes quotidiennes liées aux faux billets, estimées à plus de 1,5 milliard de francs CFA par an selon les chambres consulaires. Le Trésor public voit également dans NG2020 un outil de traçabilité susceptible de renforcer la collecte de la taxe sur la valeur ajoutée, pivot budgétaire national.
Sécurité fiduciaire et intégration régionale
La genèse de NG2020 s’inscrit dans le calendrier imposé par l’émission, fin 2022, des nouveaux billets dotés de fibres luminescentes et d’encres à optique variable. Depuis la démonétisation complète de la série 2002 en mars 2023, la BEAC avait besoin d’un vecteur pédagogique afin d’accompagner les usagers dans l’appropriation des nouveaux signes. Le choix d’une application unique pour les six États illustre la démarche d’harmonisation voulue par la Conférence des chefs d’État de la CEMAC, laquelle a fait de la convergence numérique un levier de consolidation du marché commun.
Un signal envoyé aux partenaires internationaux
Les chancelleries européennes et les agences de notation prêtaient une attention soutenue à la capacité de la zone CFA à endiguer la contrefaçon, souvent perçue comme un indice indirect de gouvernance monétaire. En dotant la CEMAC d’un outil replicable, la BEAC démontre que la technologie peut réduire les coûts de contrôle tout en améliorant la transparence. Paris, Tokyo et Pékin, principaux acheteurs de titres publics émis sur le marché régional, devraient y voir un atout supplémentaire pour le rating souverain, facilitant l’accès du Congo et de ses voisins à des conditions de financement plus compétitives.
Vers une diplomatie régionale de la confiance monétaire
Au-delà de la dimension technique, NG2020 porte une ambition diplomatique : celle d’ériger la confiance en monnaie commune en ciment de l’intégration économique. Démontrant qu’il peut produire des solutions numériques adaptées aux risques contemporains, l’espace CEMAC s’octroie une visibilité positive au moment où d’autres unions monétaires africaines examinent l’opportunité d’émettre des devises propres. L’initiative rejoint la dynamique de modernisation des infrastructures financières, qu’il s’agisse du système de paiement instantané GIMACPay ou du projet de bourse unifiée. Dans ce jeu de miroir, le Congo-Brazzaville, fort de sa tradition de stabilité institutionnelle, entend jouer un rôle catalyseur, à la fois comme marché test et comme porte-voix des enjeux de sécurité fiduciaire auprès des partenaires émergents.
Perspectives : de la surveillance participative à l’inclusion
Les premiers retours d’usage font état d’une adoption rapide dans les centres urbains, mais la BEAC prépare déjà une version allégée, compatible avec les smartphones d’entrée de gamme, afin d’atteindre les zones rurales où la couverture internet reste fluctueuse. Couplée à des campagnes de sensibilisation dans les écoles et les coopératives agricoles, cette extension pourrait transformer l’acte de vérifier un billet en réflexe citoyen. Les analystes voient là une passerelle vers l’inclusion financière, pierre angulaire de la réduction des inégalités régionales. En proposant à tous, y compris aux populations faiblement bancarisées, un accès gratuit à un service de sécurité monétaire, l’institution pose les jalons d’un futur écosystème de services digitaux adossés à la monnaie.