Entre rapprochement bilatéral et diplomatie des infrastructures
Du 26 au 30 mai 2025, Tokyo s’est fait l’écrin d’une séquence diplomatique à haute intensité pour Brazzaville. À l’invitation des autorités nippones, Juste-Désiré Mondélé, ministre de l’Assainissement urbain, du Développement local et de l’Entretien routier, a mené une série d’entretiens qui consolident la trajectoire de convergence engagée entre les deux États depuis la visite officielle du président Denis Sassou Nguesso en 2019. La mission, décrite par l’intéressé comme « dense et riche en apprentissage », a débouché sur plusieurs mémorandums portant sur la fourniture de matériels lourds et l’accompagnement technique des collectivités congolaises. L’architecture globale de ces accords illustre la volonté, partagée à Brazzaville et à Tokyo, de faire de l’infrastructure verte un vecteur de diplomatie économique et de stabilité régionale.
La dimension technologique : l’expertise nipponne au service des villes congolaises
Au cœur du volet opérationnel, les firmes Sakai et Komatsu se préparent à expédier, avant la fin de l’année, un premier lot de compacteurs, niveleuses et balayeuses de voirie vers le port en eau profonde de Pointe-Noire. Ce matériel, reconnu pour sa robustesse sous climat équatorial, doit permettre d’accélérer les travaux de réhabilitation des voiries urbaines, particulièrement dans les quartiers périphériques où l’accessibilité conditionne l’émergence d’un tissu économique local. Dans l’esprit des autorités congolaises, l’enjeu dépasse la simple modernisation des équipements : il s’agit d’inscrire l’entretien routier dans une logique de maintenance préventive, moins coûteuse à long terme, et de réduire le différentiel de compétitivité logistique avec les voisins du Golfe de Guinée.
Le partenariat technologique se double d’un transfert de compétences piloté par la JICA et le JICS. Des ingénieurs congolais séjourneront au centre de formation de Komatsu à Osaka afin d’appréhender les protocoles de calibration des capteurs embarqués et la gestion numérique des pièces détachées. L’objectif affiché consiste à internaliser, dans un horizon de trois ans, l’ensemble des opérations de maintenance courante, tout en ouvrant la voie à la création d’ateliers régionaux de reconditionnement susceptibles de desservir la sous-région CEEAC.
Déchets urbains et ODD : la matrice environnementale du partenariat
La signature, à Tokyo, d’un accord cadre relatif à la gestion intégrée des déchets solides organise l’adhésion de Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie, Nkayi, Mossendjo, Oyo et Owando au réseau des Villes propres (ACCP) initié par le ministère japonais de l’Environnement. À travers cette plateforme, les municipalités accèderont à des formations sur la valorisation du plastique, la méthanisation des biodéchets et la cartographie satellitaire des points noirs sanitaires. Hiroshi Nakada, ministre d’État japonais chargé de l’Environnement, a souligné la convergence de vues avec le Congo sur « la nécessité d’une approche intégrée qui lie développement local et résilience climatique ».
Pour Brazzaville, l’enjeu est autant symbolique que pragmatique. L’intégration au réseau ACCP renforce la visibilité internationale des politiques publiques engagées sous l’impulsion du chef de l’État, tout en offrant un référentiel d’indicateurs alignés sur l’Agenda 2030. La perspective d’obtenir, à moyen terme, des labels de performance environnementale devrait également stimuler l’investissement privé, notamment dans la filière des combustibles issus de déchets, encore embryonnaire sur le sol congolais.
Gouvernance locale et diplomatie des maires
Au-delà des équipements et des technologies, la mission a mis en lumière le rôle pivot des exécutifs municipaux dans la réussite des Objectifs de développement durable. Les accords prévoient la mise en place d’un jumelage entre Brazzaville et la ville de Yokohama, pionnière des écoparcs industriels. Ce dialogue d’administrations, encouragé par la JICA, permettra d’échanger sur les mécanismes de financement participatif des services urbains et sur la mobilisation citoyenne dans le ramassage sélectif. Selon un haut fonctionnaire congolais présent à Tokyo, « l’articulation entre plan national de développement et initiatives locales constitue désormais le cœur battant de notre diplomatie décentralisée ».
Mémoire, paix et dialogue : l’écho d’Hiroshima dans la coopération Sud-Est
La halte du ministre Mondélé à Hiroshima a ajouté une dimension mémorielle à la tournée. En signant le livre d’or du Parc de la Paix, le membre du gouvernement congolais a rappelé « l’impératif de préserver le dialogue multilatéral, gage de stabilité et de progrès partagés ». Cette séquence, très médiatisée au Japon, a résonné à Brazzaville comme un rappel que la transition écologique ne se conçoit pas sans une culture de paix, dans la droite ligne des messages portés par le président Denis Sassou Nguesso au sein de l’Union africaine.
Perspectives d’une route commune jusqu’en 2030
À l’heure où les conjonctures pétrolières incitent le Congo à diversifier ses leviers de croissance, le partenariat avec Tokyo apparaît comme un multiplicateur de résilience. La fourniture d’équipements Sakai et Komatsu, la montée en compétences des techniciens congolais et l’insertion des grandes agglomérations dans le réseau ACCP constituent autant de jalons vers une modernisation urbaine inclusive. Les premières livraisons attendues à Pointe-Noire seront scrutées comme le test grandeur nature d’une stratégie qui veut concilier performance économique, exigence environnementale et diplomatie d’influence. À l’horizon 2030, Brazzaville ambitionne ainsi de figurer parmi les capitales africaines capables de décliner les ODD dans des plans d’action concrets, tout en demeurant fidèle à une tradition de coopération ouverte et équilibrée.