Un aggiornamento réglementaire à forte portée symbolique
En rendant publique, le 25 juin 2025, la version actualisée de sa liste d’établissements de paiement, la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest a rappelé le rôle nodal que joue la réglementation dans la transformation numérique des économies de l’Union monétaire ouest-africaine. L’entrée simultanée d’INTOUCH Guinée-Bissau, de SAMIR Money Sénégal SA et d’INTOUCH Togo confère à l’espace UMOA une profondeur géographique inédite : pour la première fois, la Guinée-Bissau et le Togo rejoignent le cercle des pays dotés de fintechs opérant sous le sceau de la BCEAO. Ce geste réglementaire, loin de se limiter au formalisme administratif, marque la volonté de l’institution d’accompagner l’émergence d’acteurs innovants en veillant au strict respect des règles de cybersécurité, de lutte contre le blanchiment et de protection des consommateurs.
La montée en puissance d’INTOUCH et la consolidation du marché sénégalais
Le groupe INTOUCH, fondé à Dakar en 2014, cristallise l’attention des analystes internationaux par sa stratégie d’expansion régionale très calibrée. Déjà présent au Sénégal, au Mali et au Burkina Faso, il étend désormais sa couverture à la Guinée-Bissau et au Togo, affichant ainsi une présence dans cinq juridictions de l’Union. Le modèle économique du groupe repose sur une plate-forme d’agrégation de services – règlement de factures, transfert de fonds domestiques ou transfrontaliers, micro-assurance – qui lui permet de mutualiser les coûts techniques et de répondre aux exigences prudentielles imposées par la banque centrale. Dans le même temps, SAMIR Money devient le cinquième établissement sénégalais agréé en 2025, témoignant d’un marché local à la fois concurrentiel et mûr. Comme le souligne un haut fonctionnaire de la BCEAO, « cette densité d’opérateurs sénégalais constitue un laboratoire régional où s’expérimentent de nouveaux standards de gouvernance ».
Effets d’entraînement sur l’inclusion financière régionale
Au-delà du décompte nominal des agréments, c’est l’impact socio-économique de ces nouvelles licences qui retient l’attention. La BCEAO estime que l’adjonction d’opérateurs fintech a déjà permis d’abaisser le coût moyen des transactions électroniques de détail de près de dix pour cent entre 2022 et 2024, tout en faisant progresser le taux d’inclusion financière régional à plus de cinquante-sept pour cent de la population adulte. L’arrivée d’INTOUCH dans deux pays historiquement moins bancarisés, en particulier la Guinée-Bissau, pourrait accélérer la tendance grâce à une capillarité accrue des points d’acceptation et à l’interopérabilité des portefeuilles mobiles. Les diplomates économiques en poste à Abidjan y voient un levier essentiel d’atténuation de l’informalité des échanges et un vecteur de stabilité macro-financière, à un moment où les pressions inflationnistes éprouvent la résilience des ménages vulnérables.
Entre UEMOA et CEMAC, une émulation réglementaire
La célérité avec laquelle l’Union économique et monétaire ouest-africaine adapte son cadre prudentiel alimente la comparaison avec la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, au sein de laquelle la République du Congo joue un rôle pivot. Les discussions tenues en marge de la dernière session conjointe des ministres des Finances des deux unions ont confirmé l’intérêt d’une convergence des référentiels – notamment sur la titrisation des garanties électroniques – afin de faciliter la portabilité des services et de prémunir les consommateurs contre les arbitrages réglementaires indus. À Brazzaville, plusieurs hauts responsables financiers saluent en privé « l’exemple d’agilité perceptible à Dakar », tout en rappelant que la cohérence macro-économique exige un cadencement harmonisé. Cette émulation constructive, exempte de toute rivalité frontale, est perçue par les observateurs comme la matrice d’un futur marché financier panafricain.
Vers un écosystème panafricain de paiement interopérable
À court terme, les nouveaux agréments devraient se traduire par la création d’emplois qualifiés dans le traitement de données, la conformité et la gestion des risques. À moyen terme, ils préfigurent un maillage numérique susceptible de servir de passerelle aux ambitions de la Zone de libre-échange continentale africaine. La BCEAO, en multipliant les fenêtres de dialogue avec ses homologues, dont la Banque des États de l’Afrique centrale, anticipe déjà la standardisation des protocoles d’API et l’adoption progressive d’identifiants uniques de paiement. Dans ce contexte, la diffusion des technologies financières devient un instrument de diplomatie économique Sud-Sud, capable de renforcer la solidarité régionale sans heurter les souverainetés nationales. L’institution d’émission ouest-africaine, en s’appuyant sur une gouvernance collégiale et sur un arsenal réglementaire en constante évolution, montre qu’il est possible de conjuguer innovation et sécurité, tout en offrant aux populations de nouveaux leviers d’inclusion. Il s’agit là d’une dynamique que la communauté internationale, bailleurs et institutions multilatérales en tête, suit désormais avec un intérêt soutenu.