Un choix de continuité stratégique salué par les actionnaires
Le 23 mai 2025, le conseil d’administration de la Banque de l’habitat de Côte d’Ivoire a entériné, à l’unanimité, la nomination définitive de Karna Patrice Coulibaly au poste de directeur général. Cette décision, qui intervient après une période d’intérim débutée en juillet 2024, est perçue comme la reconnaissance d’un parcours déjà ancré dans les arcanes de l’institution. Juriste de formation, aguerri aux techniques bancaires et disposant de plus de vingt ans d’expérience dans la finance régionale, le dirigeant succède officiellement à Désirée Eliane Yace. Aux dires d’un administrateur ayant requis l’anonymat, « la BHCI ne pouvait pas se permettre une discontinuité managériale alors que les chantiers stratégiques s’accumulent ». À travers cette reconduction, les actionnaires affirment leur volonté d’éviter la rupture et d’asseoir la gouvernance sur la légitimité du résultat.
Le défi du logement social au cœur de la feuille de route
Le nouveau patron arrive à un moment où la demande de logements sociaux connaît un pic inédit, estimée à plus de 600 000 unités (Ministère de la Construction, 2024). La BHCI, créée en 1993 pour financer l’accès à l’habitat, reste identifiée par les pouvoirs publics comme un levier central de leur politique urbaine. Karna Coulibaly entend amplifier les lignes de crédit dédiées aux primo-accédants tout en renforçant les partenariats avec les promoteurs locaux. Dans les couloirs de la banque, l’on évoque le déploiement d’instruments de refinancement plus flexibles, adossés à des garanties souveraines, afin de réduire le coût du crédit hypothécaire. Cette orientation répond à l’objectif de l’État ivoirien visant à faire passer le taux de propriétaires de 51 % à près de 60 % d’ici 2030.
Stabilité macroéconomique ivoirienne et opportunités bancaires
L’environnement macroéconomique ivoirien offre un terrain propice à l’expansion de la BHCI. Avec un taux de croissance situé autour de 6,8 % en 2024 (Banque mondiale, 2025), une inflation maîtrisée et une trajectoire d’endettement jugée soutenable, le pays conserve l’un des profils les plus dynamiques de l’Union économique et monétaire ouest-africaine. Ce contexte favorise mécaniquement la bancarisation, encore limitée à 22 % de la population active. Karna Coulibaly mise sur la digitalisation des canaux de distribution et le recours au mobile-money pour attirer une clientèle jeune, souvent tenue à distance du crédit classique. L’équation réside dans la capacité à maintenir une rentabilité satisfaisante tout en contenant les risques, notamment ceux liés au marché informel de la construction.
Synergies régionales et rôle pivot de la BHCI dans l’UEMOA
Au-delà des frontières ivoiriennes, la direction entrevoit d’élargir la zone de financement à des projets immobiliers transfrontaliers, profitant de l’architecture réglementaire harmonisée par la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest. Dans cette perspective, la BHCI souhaite structurer des véhicules de titrisation d’actifs hypothécaires afin d’améliorer la liquidité du système financier régional. Selon un expert basé à Dakar, « la BHCI possède un avantage comparatif sur l’évaluation du risque immobilier, avantage monnayable auprès des bailleurs de fonds multilatéraux ». La banque explore également des accords de co-financement avec la Banque africaine de développement pour soutenir des programmes de résorption de bidonvilles, démarche en phase avec les objectifs de développement durable.
Perspectives de gouvernance et responsabilité sociétale
Sous l’impulsion de Karna Coulibaly, la gouvernance devrait se doter de comités spécialisés sur la conformité et la lutte contre le blanchiment, répondant aux exigences du Groupe d’action financière. En interne, l’heure est aussi à la refonte du cadre de responsabilité sociétale : la banque envisage d’allouer 1 % de son produit net bancaire à des initiatives de formation aux métiers du bâtiment pour des jeunes en situation de vulnérabilité. L’enjeu n’est pas seulement financier, il est également politique, car le crédit au logement représente un vecteur de cohésion sociale et de stabilité urbaine. Pour reprendre les termes d’un haut fonctionnaire du Trésor ivoirien, « une banque spécialisée qui sécurise l’accès à la propriété renforce in fine la résilience démocratique ». En scellant sa direction autour d’un profil déjà aguerri, la BHCI s’offre la possibilité de conjuguer rentabilité, impact social et rayonnement régional.