Une session charnière pour la crédibilité des examens
À peine l’aube dissipée sur les berges du fleuve Congo, le Lycée Chaminade accueillait, le 15 juillet, le cérémonial d’ouverture des épreuves écrites du Brevet d’études du premier cycle. Sous le regard attentif de Jean-Luc Mouthou, ministre de l’Enseignement préscolaire, primaire, secondaire et de l’Alphabétisation, 125 265 collégiens se confrontent durant quatre jours aux disciplines sanctionnant la fin du premier cycle secondaire. Le chiffre, stable par rapport à 2024, illustre la résilience du système éducatif congolais dans un contexte macroéconomique encore contraint par les soubresauts post-pandémiques.
Dans l’imaginaire collectif, le B.E.P.C constitue bien plus qu’un rite de passage scolaire ; il représente un baromètre de la crédibilité institutionnelle. Pour les diplomates stationnés à Brazzaville comme pour les bailleurs multilatéraux, la qualité de l’évaluation nationale emporte en effet des répercussions directes sur les subventions allouées aux programmes de renforcement des compétences. D’où l’attention stratégique que les autorités portent, cette année, à un paramètre longtemps jugé sensible : la fraude.
La stratégie interministérielle de prévention de la fraude
Nombre d’observateurs se souviennent encore des perturbations que des fuites de sujets avaient engendrées il y a une décennie. Pour rompre définitivement avec ces pratiques, le ministère a construit, en coordination avec la Haute Autorité de lutte contre la corruption, une architecture de prévention calquée sur les standards de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale. Caméras de surveillance, brouilleurs d’ondes dans les 137 centres de Brazzaville et contrôles biométriques ponctuels composent désormais la panoplie déployée. L’approche repose tout autant sur la dissuasion que sur la conscientisation : des campagnes menées dans les établissements, appuyées par les associations de parents d’élèves, ont mis l’accent sur l’intériorisation de la probité plutôt que sur la seule peur de la sanction.
Résultat immédiat, selon le comité national des examens, les incidents recensés à mi-parcours ne dépassent pas cinq cas isolés, principalement des tentatives d’usage de smartphones. « Le principe directeur est simple : neutraliser le risque en amont pour ne pas avoir à sanctionner en aval », confie un haut fonctionnaire du département de l’Inspection générale.
Sécurité civile et bien-être : un tandem désormais indissociable
Au-delà de la supervision technique, l’édition 2025 se distingue par la prise en compte inédite du facteur psychosocial. La Direction de la sécurité civile, déjà mobilisée sur les grands rendez-vous sportifs, a été sollicitée pour former les surveillants à la gestion du stress des candidats. Postes de premiers secours, cellules d’écoute et référents médicaux ont été déployés, notamment dans les établissements de Moungali où la densité de candidats atteint un pic.
Cette démarche s’inscrit dans la feuille de route gouvernementale axée sur le capital humain, inscrite au Plan national de développement 2022-2026. Les premières observations montrent un recul notable des malaises nécessitant une évacuation, consolidant à la fois la sérénité des candidats et l’image d’un État attentif à la santé publique.
Une logistique pédagogique à l’échelle du territoire
Le B.E.P.C, par son maillage national, oblige à une organisation militaire : convoyage des sujets sous escorte, standardisation des conditions matérielles et mobilisation de 12 000 correcteurs formés aux grilles nationales. Dans les zones fluviales du Département de la Sangha, des pirogues motorisées ont remplacé, cette année, les antiques barges, réduisant de moitié les délais de distribution des épreuves. Les partenaires techniques, au premier rang desquels l’UNESCO, saluent l’efficience nouvelle d’une chaîne logistique qui, hier encore, était réputée vulnérable aux aléas climatiques.
À Pointe-Noire comme à Ouesso, des générateurs solaires ont assuré l’alimentation des salles informatisées où les notes seront agrégées électroniquement. Cette dématérialisation graduelle, amorcée en 2023, permet de limiter les manipulations manuelles et, partant, les marges d’erreur ou de falsification.
Cap vers une gouvernance éducative modernisée
L’enjeu dépasse la réussite individuelle des 125 265 candidats ; il touche à la projection internationale du Congo-Brazzaville. Dans un récent rapport, la Banque africaine de développement note que la sécurité des examens conditionne la mobilité étudiante et la reconnaissance des diplômes dans l’espace CEMAC. En érigeant la « zéro fraude » en priorité politique, Brazzaville s’aligne sur les objectifs de l’Agenda 2063 de l’Union africaine en matière d’éducation de qualité.
À la veille de la clôture des épreuves, le ministre Mouthou a plaidé pour l’institutionnalisation d’un observatoire national d’intégrité académique qui regrouperait représentants universitaires, partenaires sociaux et corps diplomatique. Une telle instance, promue par plusieurs chancelleries, renforcerait la transparence budgétaire et stimulerait la confiance des investisseurs cherchant une main-d’œuvre qualifiée.
Ainsi, à rebours des raccourcis parfois véhiculés sur les défis éducatifs du continent, la session 2025 du B.E.P.C congolais propose un récit nuancé : celui d’un État qui, sans triomphalisme, se dote d’instruments pour protéger son capital jeunesse et, ce faisant, consolider sa souveraineté intellectuelle. Si la route demeure longue vers une automatisation complète des chaînes d’examen, les premiers jalons paraissent solidement ancrés. Les candidats, eux, n’ont plus qu’à laisser parler leur plume : la confiance institutionnelle s’occupe du reste.