Une architecture incitative au cœur de la politique économique congolaise
Depuis plus de deux décennies, la République du Congo a misé sur le principe des conventions d’établissement pour attirer les capitaux et soutenir la diversification de son économie, longtemps dépendante du secteur pétrolier. Environ trois cent cinquante sociétés, nationales ou multinationales, ont ainsi bénéficié d’une exonération pouvant aller jusqu’à cinq années de droits de douane et d’impôt sur les sociétés en échange d’un engagement précis : investir, transférer des compétences et générer des emplois stables pour la main-d’œuvre locale. La logique est partagée par de nombreux États émergents : alléger la contrainte fiscale à court terme pour accroître la base taxable à moyen terme grâce au développement industriel.
Une offensive parlementaire pour renforcer la redevabilité
Conformément au rôle de contrôle attribué par la Constitution, la Commission des finances de l’Assemblée nationale conduit depuis le 8 juillet une mission d’évaluation sur les sites industriels de Pointe-Noire et du Kouilou. « Les conventions d’établissement visent non seulement la croissance, mais la création d’emplois durables », a rappelé le vice-président de la commission, Thierry Obie, lors de la séance inaugurale. Les élus entendent vérifier, dossier à l’appui, la cohérence entre les avantages concédés et les plans d’embauche déposés auprès des services compétents. Cette démarche, saluée par plusieurs chambres consulaires, reflète l’importance accordée désormais à la transparence et à la performance des politiques publiques.
Constats de terrain : résultats hétérogènes et exigences accrues
Après les premières descentes, un tableau contrasté se dessine. Dans les zones économiques spéciales, certaines entreprises de transformation du bois revendiquent déjà plus de 80 % de personnel congolais, témoignant d’un cercle vertueux où formation et montée en compétences vont de pair avec la fiscalité incitative. À l’inverse, la mission a relevé l’inexistence physique de quelques entités pourtant inscrites au registre des bénéficiaires. Ce décalage rappelle la complexité de la doctrine du « give and take » : sans mécanisme robuste de suivi, le risque d’aubaine reste tangible. Les parlementaires envisagent ainsi d’exiger la certification systématique des plans d’embauche par l’Agence nationale pour la promotion de l’emploi afin de fiabiliser les statistiques et prévenir les effets d’annonce.
La charte des investissements, pierre angulaire du contrat social
Révisée en 2021, la charte des investissements fixe un cadre équilibré entre incitations et obligations. Elle introduit notamment des critères environnementaux et sociaux pour accéder à des exonérations étendues, en phase avec l’Agenda 2025 de diversification économique piloté par le gouvernement. Selon un rapport conjoint du ministère de l’Économie et de la Banque africaine de développement, près de 12 000 emplois directs ont été créés depuis la dernière révision, un chiffre appelé à croître si les contrôles s’intensifient. La démarche parlementaire actuelle s’inscrit donc dans une séquence plus large de modernisation de la gouvernance économique voulue par les autorités nationales.
Vers une culture de l’évaluation continue
Au-delà des constats immédiats, la mission ouvre la voie à une refonte du dispositif de suivi. L’idée d’un tableau de bord trimestriel, accessible tant aux administrations qu’aux partenaires techniques, fait son chemin. Les milieux diplomatiques y voient un signal positif pour les investisseurs soucieux de visibilité règlementaire, tandis que les organisations syndicales espèrent une consolidation des emplois formels. Interrogé à Brazzaville, un économiste de la CEMAC souligne que « le sérieux mis dans l’évaluation est devenu un avantage compétitif en soi, car il sécurise la rentabilité sociale du capital ».
Consolider un pacte gagnant-gagnant entre État et secteur privé
À l’heure où le pays multiplie les projets d’infrastructures logistiques et énergétiques, le lien entre incitations fiscales et création d’emplois devient un impératif stratégique. Le contrôle parlementaire en cours, en valorisant les bonnes pratiques tout en corrigeant les dérives, participe de la construction d’un climat d’affaires responsable. Les enjeux dépassent le seul périmètre national : ils pèsent sur l’image du Congo-Brazzaville auprès des institutions multilatérales et des partenaires bilatéraux, engagés dans des programmes de cofinancement. En renforçant la traçabilité des avantages accordés, le législateur contribue à inscrire la croissance dans la durée, sans remettre en cause l’attractivité nécessaire à l’industrialisation.