Une économie congolaise en quête de dérivatif au pétrole
Depuis la chute prolongée des cours du brut, Brazzaville multiplie les signaux d’ouverture pour réduire sa dépendance à l’or noir qui représente encore près de 60 % de ses recettes budgétaires. Le ministère des Zones économiques spéciales martèle, dans ses notes de cadrage 2024, que « la diversification n’est plus une option mais une condition de souveraineté ». La zone d’Oyo-Ollombo, au nord du pays, est devenue le laboratoire de cette ambition : 16 000 hectares réservés à l’agro-industrie, aux services logistiques et, désormais, à la sylviculture industrielle.
Vienne, nouveau carrefour de la diplomatie économique centre-africaine
Invités par Asc Impact, Jean-Marc Thystère-Tchicaya et Rosalie Matondo ont passé quatre jours à Vienne, flanqués de l’ambassadrice Édith Itoua. Dans l’ancien empire des Habsbourg, où les réunions se sont tenues tant au Palais Coburg qu’au siège du Centre Ban-Ki-Moon, la délégation a rencontré l’ex-président fédéral Heinz Fischer et l’ancienne ministre Elisabeth Köstinger. Selon une source diplomatique autrichienne, « Vienne cherche à se positionner comme place neutre pour les investissements climatiques en Afrique centrale ».
Asc Impact, de la finance verte aux plantations industrielles
Peu connu du grand public, Asc Impact se présente comme un véhicule d’investissement spécialisé dans les actifs forestiers certifiés. Sa filiale locale, Aforest-Congo, promet la plantation de plus de 40 000 hectares d’essences rapides – eucalyptus et acacia – destinées à alimenter une usine de pâte à papier et à générer des crédits carbone. L’enveloppe initiale évoquée de 100 millions d’euros pour la phase sylvicole pourrait tripler avec la partie industrielle, avance Karl Ernst Kirchmayer, président d’Asc Impact, qui assure que « chaque euro investi répondra aux standards ESG européens ».
Crédits carbone et souveraineté forestière, un équilibre délicat
Le Congo, deuxième poumon vert de la planète après l’Amazonie, dispose déjà de plus de 23 millions d’hectares de forêts naturelles. Brazzaville revendique un stock potentiel de 1,5 milliard de tonnes de CO₂. Or, le marché volontaire du carbone demeure volatile : le prix moyen de la tonne oscille entre 6 et 10 dollars, loin des 30 dollars jugés nécessaires par la Banque mondiale pour un modèle viable. Des ONG congolaises, telles que Cercle Vert, craignent que la cession à long terme des droits carbone ne prive l’État de marges futures. Le cabinet du ministre Matondo rétorque que « les revenus seront codifiés par décret » et que 30 % minimum reviendra aux communautés riveraines.
Enjeux géopolitiques d’un partenariat Sud-Nord renouvelé
Pour Vienne, l’accord illustre une stratégie plus large de consolidation de l’influence autrichienne en Afrique centrale, moins médiatisée que celle de ses voisins allemands ou français. Berlin surveille d’ailleurs le dossier : la KfW, banque de développement allemande, avait envisagé un financement partiel d’infrastructures dans la même zone. À Brazzaville, certains conseillers rappellent que l’implication autrichienne évite de placer tous les œufs dans le panier chinois, déjà très présent dans la ZES de Pointe-Noire.
Prochaines étapes et interrogations des bailleurs internationaux
Les protocoles signés le 23 juin fixent un calendrier serré : validation des études d’impact environnemental avant décembre, bouclage financier mi-2025, démarrage des premières plantations début 2026. Reste la question de la gouvernance : le Fonds bleu pour le Bassin du Congo, piloté par l’Union africaine, souhaite une représentation au conseil de surveillance du projet pour garantir la conformité avec les engagements de la COP28. Sans réponse claire, certains bailleurs multilatéraux pourraient retarder leur soutien. Entre la promesse de milliers d’emplois et la crainte d’un modèle extractif reconfiguré, le Congo joue une partie subtile où la crédibilité économique se mêle à la diplomatie climatique.