L’horizon post-pétrole se précise à Brazzaville
À l’heure où les marchés internationaux de l’énergie scrutent avec acuité la fluctuation des cours du brut, Brazzaville abrite une table ronde nationale consacrée à la diversification économique et à la transition énergétique. L’initiative, pilotée par la Rencontre pour la paix et les droits de l’homme et soutenue techniquement par Energy Transition Fund, intervient alors que le pétrole représente encore près de 90 % des recettes d’exportation du Congo. Sur les rives du fleuve, responsables gouvernementaux, diplomates, chercheurs et entrepreneurs se retrouvent pour envisager collectivement un avenir affranchi de la rente pétrolière, dans un climat diplomatique marqué par la nécessité d’anticiper les contre-chocs de demain.
Une consultation multi-acteurs pour baliser la transition
Le projet pilote « Préparer l’après au Congo », ou PapCo, constitue le cadre structurant de cette rencontre. Depuis un an, ses équipes sillonnent les départements de Brazzaville, du Kouilou et de Pointe-Noire afin d’identifier les parties prenantes et de partager un premier diagnostic. Christian Mounzeo, coordonnateur national du RPDH, rappelle que « le monde s’oriente vers une transition énergétique inévitable ; notre pays doit réfléchir, anticiper et construire un avenir durable libéré de la dépendance aux hydrocarbures ». L’appui financier de Rockefeller Philanthropy Advisors et l’expertise d’ETF donnent à la démarche une dimension internationale, sans lui ôter sa vocation locale : il s’agit d’élaborer une pré-feuille de route qui tienne compte des spécificités sociales, environnementales et industrielles du Congo-Brazzaville.
Le rôle catalyseur de l’État congolais dans la diversification
Dans l’architecture institutionnelle congolaise, la diversification économique figure désormais parmi les priorités affirmées. La création d’un ministère dédié, l’adoption de plusieurs plans nationaux de développement successifs et l’implantation de zones économiques spéciales traduisent la volonté politique de convertir la manne pétrolière de ce quatrième producteur du Golfe de Guinée en investissements productifs. Les négociations récentes avec TotalEnergies sur l’exploration en eaux profondes se déroulent ainsi en parallèle d’un discours officiel insistant sur la nécessité de transformer l’économie. Rosine Olga Ossombi Mayela, directrice générale par intérim du développement durable, exhorte les participants à « faire preuve de pragmatisme », soulignant que la transition doit rester compatible avec la trajectoire de croissance ciblée par le gouvernement.
Des pistes sectorielles réalistes entre agriculture, numérique et forêt
Les échanges mettent en lumière plusieurs filières jugées stratégiques. L’agriculture, dotée d’un potentiel de substitution aux importations alimentaires, pourrait générer des emplois ruraux et renforcer la sécurité alimentaire. La transformation du bois, ressource abondante, se présente comme un vecteur de valeur ajoutée nationale à condition de respecter les normes de gestion durable des forêts du Bassin du Congo. Les participants évoquent également le numérique, dont les infrastructures en expansion à Brazzaville et Pointe-Noire ouvrent la voie au développement de services à haute valeur technologique. Enfin, le tourisme écologique, appuyé sur la richesse des parcs nationaux, apparaît comme une source alternative de devises, à condition que les capacités d’accueil et de transport soient consolidées.
Financements et partenariats : entre souveraineté et pragmatisme
Pour convertir les pistes identifiées en projets concrets, la mobilisation de capitaux reste déterminante. Les discussions portent sur la combinaison d’instruments déjà actifs, issus de la Banque de développement des États d’Afrique centrale, d’agences bilatérales européennes, de la coopération sud-sud et des fonds climatiques internationaux. Brazzaville revendique une approche de « diplomatie économique équilibrée », articulant sauvegarde de la souveraineté et ouverture aux investisseurs étrangers. Dans les couloirs de la conférence, plusieurs bailleurs soulignent la nécessité d’indicateurs mesurables de gouvernance et de transparence pour conforter leur engagement, ce à quoi les autorités réaffirment leur adhésion aux standards internationaux.
Vers une feuille de route partagée et mesurable
Au terme de deux jours de débats, un consensus prudent se dessine : la sortie de la dépendance pétrolière ne saurait être brutale, mais elle doit s’amorcer sans délai. Les participants s’accordent sur la pertinence d’un calendrier assorti d’étapes de suivi, incluant un comité de pilotage associant État, secteur privé et société civile. Ce mécanisme, salué par les partenaires techniques, devrait assurer la continuité entre la table ronde et la mise en œuvre opérationnelle. Dans l’esprit des diplomates présents, la crédibilité du Congo en tant qu’acteur majeur de la transition énergétique en Afrique centrale dépendra de sa capacité à conjuguer engagement politique, clarté réglementaire et inclusion sociale. « Notre ambition est de bâtir une économie résiliente, porteuse d’emplois et respectueuse de l’environnement, sans renoncer aux atouts que confère encore l’or noir », confie un haut fonctionnaire, en écho à la ligne défendue par le gouvernement. Ainsi, Brazzaville esquisse une trajectoire où la rente pétrolière sert de tremplin à un futur plus diversifié, plutôt que d’en constituer une entrave.