Un agenda qui dépasse le symbolique
En se rendant, à la faveur d’une matinée très suivie, dans les locaux feutrés du Conseil Congolais des Chargeurs, le ministre des Finances a voulu témoigner de l’importance stratégique accordée par le gouvernement à la chaîne logistique nationale. Loin d’une visite protocolaire, le déplacement s’inscrit dans un contexte marqué par la résilience relative de l’économie congolaise face aux chocs exogènes et par la volonté des autorités de faire des activités portuaires un levier de diversification. « Le Congo ne saura se contenter de la rente pétrolière », a déclaré le ministre devant un parterre d’opérateurs, rappelant que 85 % des échanges commerciaux du pays transitent par le transport maritime.
Le Conseil des Chargeurs, baromètre de la compétitivité congolaise
Créé il y a près de quatre décennies, le Conseil joue le rôle d’interface entre l’État, les transporteurs et les exportateurs. Sa base de données sur les flux de marchandises fournit aux douanes et aux investisseurs une visibilité cruciale. Les indicateurs récents montrent une légère amélioration du délai moyen de dédouanement, passé de 15 à 12 jours entre 2021 et 2023, selon les chiffres internes relayés lors de la rencontre. La direction de l’organisme plaide toutefois pour des investissements supplémentaires afin de réduire encore les coûts de passage portuaire, aujourd’hui évalués à 685 dollars par conteneur contre une moyenne régionale de 520 dollars (UNCTAD 2022).
Alignement avec la feuille de route présidentielle 2022-2026
Le déplacement ministériel intervient quelques mois après l’adoption du Plan national de développement 2022-2026, dans lequel la logistique figure comme un axe prioritaire. Le président Denis Sassou Nguesso a plusieurs fois réaffirmé que la transformation de l’appareil productif passerait par des corridors fiables reliant Pointe-Noire, Brazzaville et, au-delà, les marchés de la CEMAC. La réhabilitation de la voie ferrée Congo-Océan, la réorganisation du terminal à conteneurs et la construction d’entrepôts sous douane sont autant de chantiers cités par le ministre comme preuves d’engagement budgétaire, malgré un contexte de rationalisation des finances publiques.
Partenariats régionaux et ouverture sur le Golfe de Guinée
Sur le plan diplomatique, la visite a été l’occasion d’évoquer l’harmonisation des règlements portuaires au sein de la CEMAC et la mutualisation des capacités de surveillance maritime. Des représentants camerounais et gabonais, conviés pour l’occasion, ont salué l’initiative, jugeant qu’elle pourrait réduire les surcharges appliquées au transit intracommunautaire. L’ambassadeur de l’Union européenne à Brazzaville, présent dans la salle, a rappelé les soutiens techniques disponibles dans le cadre du programme Gateway Africa, tandis que des investisseurs du Golfe ont manifesté un intérêt croissant pour les zones économiques spéciales congolaises.
La digitalisation logistique comme accélérateur de transparence
Au-delà des infrastructures physiques, le ministre a insisté sur la nécessité de parachever le guichet unique électronique. Ce dispositif, déjà opérationnel à 60 %, doit à terme centraliser la collecte des taxes, réduire les manipulations manuelles et minimiser les fraudes. Les experts présents ont cependant souligné l’importance d’une montée en compétence rapide des agents portuaires et douaniers. Le Conseil des Chargeurs, qui abrite le centre de données du futur système, a annoncé l’ouverture d’une académie logistique destinée à former 300 cadres par an dès 2025.
Un optimisme mesuré par les analystes
Si l’initiative gouvernementale est saluée, elle n’en demeure pas moins confrontée à des défis structurels. L’augmentation récente des coûts de fret, conjuguée à la volatilité des matières premières, pourrait peser sur le financement des projets. Toutefois, la trajectoire budgétaire jugée soutenable par la Banque africaine de développement, ainsi que la stabilisation du cadre macro-financier obtenue après les derniers accords avec le FMI, laissent entrevoir des marges de manœuvre. Comme l’a résumé un diplomate accrédité à Brazzaville, « le pari logistique congolais sera gagné si la volonté politique se traduit en gains de productivité tangibles avant 2026 ». La visite du ministre, en plaçant le Conseil des Chargeurs au cœur de cette dynamique, constitue à tout le moins un jalon visible sur la voie d’une diplomatie économique assumée.