Un projet à portée nationale
En annonçant l’implantation prochaine d’assistants sociaux dans chaque structure hospitalière et scolaire, la ministre des Affaires sociales, de l’Action humanitaire et de la Solidarité Marie Cécile Mboukou Kimbatsa a confirmé l’ambition gouvernementale d’élargir le filet protecteur de l’État à l’ensemble du territoire. Le dispositif, expérimenté depuis plusieurs années dans les pavillons du Centre hospitalier universitaire de Brazzaville, se voit désormais hissé au rang de politique publique à l’échelle du pays. Par cette extension, Brazzaville veut répondre à l’exhortation répétée du chef de l’État à « ne laisser aucun citoyen en marge du progrès », mantra inscrit dans la stratégie nationale de développement 2022-2026.
Une articulation santé-éducation
Dans la cartographie des vulnérabilités, l’école occupe une place stratégique. L’arrivée d’assistants sociaux au sein des établissements permettra d’identifier plus précocement les enfants victimes de déscolarisation, de malnutrition ou de violences intrafamiliales. À l’hôpital, ces mêmes professionnels continueront de recenser les patients démunis qui, faute de ressources, diffèrent soins et prescriptions. Comme l’a rappelé la ministre, « l’assistant social devient le trait d’union entre le diagnostic médical, la réalité sociale et la réponse de l’État ». De l’enfance à la convalescence, la chaîne de protection se veut désormais fluide et sans rupture.
Le défi opérationnel des ressources
Rendre la mesure effective supposera néanmoins un renforcement budgétaire. Les hôpitaux de Djiri et de Makélékélé, déjà dotés d’unités sociales, illustrent la pertinence d’un tel maillage, mais aussi la nécessité d’outils logistiques. Systèmes d’information, véhicules d’intervention ou stocks de médicaments devront suivre l’essor du dispositif. Le ministère des Finances s’est dit prêt à calibrer des crédits additionnels en synergie avec les partenaires techniques, notamment la Banque mondiale pour la numérisation du registre social. L’enjeu consiste à éviter les doublons entre programmes et à garantir la soutenabilité financière, condition sine qua non de la confiance des bailleurs.
Protection de l’enfance au cœur du dispositif
La question des enfants en situation de rue demeure un indicateur sensible des fractures urbaines. Les nouveaux assistants sociaux orienteront ces jeunes vers les centres d’insertion où, après la majorité, des formations professionnelles sont dispensées afin de préserver leur autonomie. « Notre tâche est de transformer une détresse ponctuelle en parcours d’émancipation », souligne une intervenante du centre de Kintélé. En liant suivi psychosocial et apprentissage de métiers, le gouvernement parie sur une réduction progressive de la marginalité infantile.
La diplomatie humanitaire face aux réfugiés
Le Congo accueille près de soixante-six mille réfugiés, dont la moitié originaires de République centrafricaine. Cette réalité confère aux assistants sociaux une dimension diplomatique : il leur appartient d’harmoniser les dispositifs nationaux de solidarité avec les engagements internationaux relatifs à l’asile. En coordination avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, ils veilleront à l’éligibilité des familles aux programmes d’assistance médicale et scolaire, contribuant ainsi à la stabilité régionale. En période d’instabilité frontalière, cette interface sociale agit comme un amortisseur discret des tensions migratoires.
Vers une gouvernance sociale intégrée
Au-delà du volet strictement social, l’initiative illustre le basculement de l’administration vers un modèle de gouvernance par données. Le registre national issu du projet Lisungui, puis étendu dans le programme Filets sociaux, devrait être enrichi par les rapports de terrain des assistants afin de faciliter la hiérarchisation des urgences. « Nous disposons, sur l’ensemble du pays, de directions départementales et de circonscriptions de l’action sociale », rappelle la ministre, convaincue que la granularité des informations locales permettra de mieux orienter la dépense publique. Dans un contexte économique marqué par la nécessaire diversification post-pétrole, cette rationalisation des politiques de solidarité consolide la légitimité de l’État providence congolais.
Un cap présidentiel constant
En filigrane, la réforme réaffirme la priorité accordée par le président Denis Sassou Nguesso à la cohésion nationale. Depuis la Loi fondamentale de 2015, la protection des groupes vulnérables est consacrée comme pilier régalien. L’installation d’assistants sociaux dans les écoles et les hôpitaux s’inscrit donc dans une continuité politique, mais avec une nette inflexion vers l’efficience technocratique. À l’heure où nombre de chancelleries observent une recrudescence des contestations sociales sur le continent, Brazzaville opte pour l’anticipation par le service public, manière de conjuguer stabilité intérieure et réputation internationale.