Session budgétaire 2025 : minute de recueillement
Lors de l’ouverture de la dixième session budgétaire, le 15 octobre 2025 au Palais du parlement de Brazzaville, l’hémicycle a adopté un ton de recueillement lorsque le président Isidore Mvouba a invité les députés à se lever pour honorer deux collègues récemment disparus.
L’ordre du jour, centré sur l’examen du projet de loi de finances 2026, a momentanément cédé la place à la mémoire, illustrant une tradition parlementaire qui valorise les histoires humaines derrière les chiffres législatifs.
Grave, Isidore Mvouba a rappelé que le service public commence et s’achève dans le service aux autres. « Nous honorons ceux qui ont posé des pierres solides à notre maison commune », a-t-il déclaré avant d’imposer une minute de silence ponctuée par le glas du carillon.
Portrait d’André Georges Mouyabi
Le premier nom évoqué fut celui d’André Georges Mouyabi, président de l’Assemblée de 1966 à 1968 sous Alphonse Massamba-Débat, puis ministre durant la présidence de Pascal Lissouba, voix influente de réconciliation par-delà les clivages partisans.
Né à Ditadi, district de Loudima, Bouenza, Mouyabi embrassa la politique après des études de droit à Brazzaville puis Dakar. Ses pairs retiennent un parlementaire à la plume incisive, capable d’apaiser les débats les plus houleux sans jamais sacrifier la rigueur républicaine.
Derniers honneurs de la Nation
Victime d’un accident vasculaire cérébral, il est décédé le 18 septembre 2025 à Paris, à l’âge de 90 ans. Deux jours avant la session, la Nation, sous le très haut patronage du président Denis Sassou-Nguesso, lui avait déjà rendu hommage au Palais des congrès.
De Brazzaville, le cercueil a rejoint Madingou, où l’ancien président repose désormais parmi les collines de latérite rouge. Des chœurs locaux ont interprété des chants kongo et téké, rappelant l’attachement du défunt à l’unité nationale qu’il défendait déjà en 1967.
Souvenirs de Joseph Mbossa, voix d’Abala
Le second hommage concernait Joseph Mbossa, député d’Abala, dont la discrétion cachait un engagement sans faille pour les pistes rurales et l’accès à l’eau potable. Il s’est éteint à Paris le 28 septembre 2025, à 70 ans, après une courte maladie.
Sa dépouille est arrivée à l’aéroport Maya-Maya le 14 octobre, accueillie par la famille, des parlementaires et des associations de jeunes brandissant le drapeau tricolore. Un cortège a escorté le corbillard jusqu’à la morgue de l’Hôpital militaire, tandis que des fanfares jouaient « La Congolaise » sous une pluie fine.
Le 20 octobre, le Parti congolais du travail a salué la discipline législative de Mbossa et son apport à l’agenda social évolutif du parti. Le secrétaire général Pierre Moussa y a vu « le reflet d’un militant humble, déterminé à rapprocher l’État de ses citoyens ».
Le lendemain, la République lui a rendu ses honneurs au même Palais des congrès, toujours sous le patronage du chef de l’État. Mbossa a été inhumé le 21 octobre à Abala, Cuvette, lors d’une cérémonie où anciens invoquèrent les ancêtres et des écoliers entonnèrent l’hymne local.
Parlementarisme et mémoire collective
En séance, le président Mvouba a présenté les deux hommes comme « l’architecte institutionnel et le bâtisseur de proximité ». Il a exhorté les députés actuels à s’inspirer d’eux « pour faire gagner le Congo dans cette nouvelle étape de sa marche vers l’émergence ».
Derrière l’émotion, la session a repris l’examen des paramètres macroéconomiques, rappelant que les institutions survivent aux individus. Des analystes soulignent que le rappel des prédécesseurs renforce la continuité avant les débats sur la consolidation budgétaire et les investissements sociaux que privilégie le gouvernement.
Le constitutionnaliste Rodrigue Ngolo estime que ces hommages « replacent la légitimité parlementaire dans la longue durée ». À ses yeux, la participation de l’Exécutif aux cérémonies incarne l’« osmose institutionnelle » promue par la Constitution de 2015.
À Brazzaville, de nombreux habitants ont suivi la retransmission sur Télé Congo, où alternaient analyse et archives des discours de 1967 de Mouyabi ou des plaidoyers de 2019 de Mbossa sur le plan national de l’eau. Les réseaux sociaux ont relayé des extraits, générant des fils de commentaires respectueux.
Un agenda budgétaire porté par l’héritage
Pour la diaspora, ces hommages rappellent le lien vivant entre patrie et communautés expatriées : les deux parlementaires ont rendu leur dernier souffle à Paris, symbole d’un exil médical encore répandu parmi les élites d’Afrique centrale.
Au crépuscule, deux portraits encadrés ornent désormais la galerie mémorielle de l’Assemblée. Des bougies allumées par le personnel parlementaire brûleront sept jours, symbolisant la continuité de la flamme que le peuple souverain confie à ses élus. Le silence, ici, est déjà promesse d’action.
La session budgétaire reprend jeudi avec l’audition du ministre des Finances. Les députés, fraîchement rappelés à l’héritage de leurs prédécesseurs, devraient examiner les crédits avec un sens du devoir renouvelé, sous la conduite d’Isidore Mvouba et en cohérence avec la vision nationale 2025-2030.
