Une consultation nationale au carrefour des ambitions économiques
Dans les salons feutrés d’un hôtel de Brazzaville, la Rencontre pour la paix et les droits de l’homme a ouvert une table ronde dont l’intitulé annonce la couleur : préparer l’après-pétrole. Pendant quarante-huit heures, experts et décideurs réviseront les ressorts d’un modèle de croissance longtemps arrimé au baril. L’enjeu ne relève pas seulement de la prospective ; il engage la crédibilité d’un pays classé quatrième producteur du Golfe de Guinée mais déjà conscient de la finitude de la rente fossile. « Notre objectif est de penser loin sans renier l’existant », confie un haut fonctionnaire du ministère des Finances, résumant l’esprit d’un rendez-vous où la prudence diplomatique le dispute à l’exigence d’anticipation.
La société civile, catalyseur d’un débat inclusif
Porté par la RPDH avec l’appui technique d’Energy Transition Fund et le financement de Rockefeller Philanthropy Advisors, le projet PapCo a volontairement placé la société civile au centre du dispositif. Ce choix reflète une conviction largement partagée : la transformation économique ne se décrète pas, elle se négocie avec les territoires. Les représentants des communautés côtières évoquent déjà la reconversion des pêcheurs artisanaux, tandis que de jeunes innovateurs du numérique explorent les débouchés qu’offrira la généralisation de la fibre optique. « Nous ne voulons pas être de simples spectateurs », rappelle une porte-parole associative, saluée par des applaudissements transversaux.
Le gouvernement mise sur un pétrole encore porteur
Réalisme oblige, Brazzaville n’entend pas tourner brutalement le dos à son principal pourvoyeur de devises. Les discussions récentes entre TotalEnergies et les autorités l’attestent : la montée en puissance de nouveaux gisements offshore vise à stabiliser la production autour de 350 000 barils/jour à l’horizon 2025. Le ministre des Hydrocarbures insiste cependant sur « une exploitation responsable, susceptible de financer la mutation économique ». Cet équilibre entre rentabilisation à court terme et investissement de long terme illustre une approche graduelle, saluée par plusieurs partenaires techniques qui voient là un gage de stabilité macro-budgétaire.
Diversification : agriculture, numérique et bois au premier rang
Dans les groupes de travail, trois secteurs forcent le consensus. L’agriculture, d’abord, bénéficie d’un potentiel foncier souvent cité comme un atout majeur pour réduire les importations alimentaires. Le numérique, ensuite, profite d’un taux de pénétration mobile supérieur à 90 % et d’un positionnement logistique stratégique sur le corridor Atlantique-Congo. Enfin, la filière bois, historique mais perfectible, cherche à monter en gamme grâce à des unités de transformation locale. Les délégués rappellent que la valeur ajoutée domestique reste la condition sine qua non d’une croissance inclusive, capable d’absorber une démographie jeune et urbaine.
Transition énergétique : un réalisme gradué
La question du mix énergétique a suscité de vifs échanges. Des universitaires plaident pour un recours renforcé au gaz, ressource moins émissive déjà disponible, tandis que des ONG préconisent une montée en puissance du solaire dans les zones enclavées. Le consensus se dessine autour d’une trajectoire progressive : valoriser le gaz associé, déployer des micro-réseaux solaires et préparer, à moyen terme, l’introduction de l’hydrogène vert. « Il s’agit d’éviter un choc tarifaire pour les ménages tout en respectant nos engagements climatiques », précise un cadre de la Commission nationale Développement durable.
Financements innovants et partenariats stratégiques
Les participants conviennent que la réussite de l’après-pétrole passera par des schémas de financement hybrides. Obligations vertes, partenariats public-privé et instruments de garantie multilatéraux sont tour à tour parcourus. La Banque de développement des États d’Afrique centrale évoque la mise en place d’un guichet spécifique pour soutenir les PME vertes, tandis que l’Agence française de développement réaffirme son appui aux projets d’infrastructures sobres en carbone. Dans les coulisses, des investisseurs du Golfe étudient déjà des cales sèches fluviales et des hubs logistiques, preuve que la diversification congolaise attire un capital attentif aux signaux de stabilité.
Vers une feuille de route partagée et pragmatique
À l’issue des travaux, un projet de feuille de route devrait être soumis aux autorités, articulé autour d’objectifs quantifiés et de jalons d’évaluation. Les animateurs de la RPDH se félicitent d’une « convergence d’intérêts rare dans la sous-région » ; les représentants gouvernementaux saluent pour leur part « un dialogue constructif, conforme à la vision du chef de l’État ». Au-delà de la formule, l’instant traduit une ambition partagée : faire du Congo-Brazzaville un laboratoire de transition maîtrisée, où l’or noir finance la germination d’activités plus durables, sans précipitation ni renoncement symbolique. Le défi est à la hauteur d’un pays qui, depuis le fleuve, scrute désormais la marée montante de l’économie verte.