Parlement congolais mobilisé contre cancers féminins
Le Palais des congrès de Brazzaville a résonné d’un même mot d’ordre, le 29 octobre : prévenir pour sauver. À l’appel de l’Assemblée nationale, élus, médecins et partenaires internationaux ont consacré une journée entière à la lutte contre les cancers du sein et du col de l’utérus.
Cette mobilisation parlementaire, présidée par le deuxième vice-président Roland Bouiti Viaudo, répond à la progression silencieuse de ces pathologies qui figurent parmi les premières causes de mortalité féminine sur le continent, alors qu’un dépistage précoce multiplie par trois les chances de survie.
Experts nationaux décodent symptômes et risques
Dans la salle, les professeurs Judith Nsondé-Malanda et Clotaire Itoua, réputés pour leurs travaux au Centre hospitalier universitaire de Brazzaville, ont détaillé les symptômes souvent méconnus, les facteurs de risque évitables et les protocoles de prise en charge disponibles dans les hôpitaux congolais.
Leur exposé a souligné que huit patientes sur dix consultent encore trop tard, faute d’informations, d’accès régulier aux soins primaires ou de ressources financières suffisantes. Or, selon les intervenants, un simple examen visuel ou une palpation programmée peut faire la différence.
OMS et État alignent leur stratégie 2021-2030
Invité d’honneur, le représentant résident de l’OMS, Dr Vincent Dossou Sodjinou, a salué une initiative alignée sur la Stratégie mondiale de lutte contre le cancer du sein 2021-2030. Il a néanmoins rappelé que, dans la sous-région, 70 % des diagnostics restent posés à un stade avancé.
Selon lui, cette situation résulte d’un déficit d’information communautaire et d’un maillage encore inégal des infrastructures de santé primaire. « Investir dans la proximité, c’est raccourcir le délai entre l’apparition d’une lésion et le traitement », a-t-il résumé devant les députés.
Le gouvernement, a-t-il ajouté, vient de franchir une étape clé en validant l’introduction du vaccin contre le papillomavirus humain. La campagne prévue ciblera les filles de 10 à 14 ans, âge auquel la réponse immunitaire est jugée optimale par les spécialistes.
Rôle clé des députés dans la sensibilisation locale
Roland Bouiti Viaudo a exhorté chaque député à relayer le message dans sa circonscription. « Nos concitoyennes n’attendent pas uniquement des lois, elles attendent aussi des actes concrets pour leur santé », a insisté le deuxième vice-président, soulignant l’importance d’allouer des crédits adaptés.
Le Parlement a déjà voté, en 2024, une enveloppe dédiée à l’équipement de vingt centres de dépistage intégrés. Douze unités sont opérationnelles, principalement à Brazzaville et Pointe-Noire, avec une capacité combinée de 15 000 examens cliniques par an, selon la Commission Santé de l’Assemblée.
À l’horizon 2026, l’objectif est de couvrir tous les chefs-lieux de département. Des négociations sont en cours avec des partenaires techniques et financiers pour l’acquisition d’unités mobiles qui sillonneront les zones rurales, où les obstacles géographiques retardent souvent la première consultation.
Dépistage simplifié : solutions adaptées au terrain
Le professeur Donatien Moukassa a présenté un protocole simplifié de dépistage combinant inspection visuelle acide et palpation. « Le matériel tient dans une valise et coûte moins qu’un smartphone », a-t-il illustré, arguant que chaque centre de santé de district peut adopter la procédure.
Au-delà de l’aspect médical, les intervenants ont insisté sur la peur et la stigmatisation qui empêchent encore de nombreuses femmes de franchir la porte d’un cabinet. Des campagnes radio, des émissions interactives et des relais communautaires seront déployés pour briser ces barrières socioculturelles.
Des figures publiques, notamment des artistes et sportives, seront associées à la sensibilisation. Les députés estiment que la présence de modèles inspirants multipliera l’impact chez les jeunes filles, premières cibles de la vaccination HPV mais aussi ambassadrices potentielles auprès de leurs mères et tantes.
Transparence et suivi des engagements budgétaires
Au terme de la journée, une déclaration commune a été adoptée. Elle engage les élus à suivre, quartier par quartier, l’état d’avancement de la campagne vaccinale et à transmettre, chaque trimestre, un rapport au Bureau de l’Assemblée pour garantir la transparence des actions.
Le ministère de la Santé, associé à cet engagement, prévoit de publier un tableau de bord interactif accessible au public. Les indicateurs clés — nombre de doses administrées, délais de diagnostic, taux de survie à cinq ans — seront mis à jour en temps quasi réel.
Les participants ont quitté l’hémicycle avec une feuille de route précise : vulgariser l’autopalpation dès l’adolescence, rendre le dépistage gratuit une fois l’an, étendre la pathologie-cible au cancer de la prostate afin d’impliquer les hommes dans la dynamique famille-santé.
Recherche locale et perspectives futures
En fédérant législatif, exécutif et partenaires extérieurs, la République du Congo affiche la volonté d’ériger la prévention des cancers féminins en priorité sanitaire durable, fidèle aux orientations du président Denis Sassou Nguesso de renforcer la protection sociale et l’accès équitable aux soins.
La prochaine session budgétaire devrait entériner une ligne spéciale pour la recherche locale, afin de mieux comprendre les mutations génétiques propres aux populations congolaises. Les chercheurs espèrent ainsi adapter les traitements et réduire les importations coûteuses de chimiothérapie.
Un comité de suivi, formé d’élus et d’oncologues, publiera son rapport en janvier.
