Un partenariat public-privé révélateur d’une stratégie de diversification
L’officialisation, à Brazzaville, de l’entrée en activité de la Société Albayrak dans la gestion logistique et portuaire constitue un signal fort de la volonté congolaise de consolider la diversification de son économie. Relevant directement du Plan national de développement et de la « Vision Congo 2025 », ce partenariat public-privé s’inscrit dans la continuité des réformes destinées à désenclaver le pays, à fluidifier les corridors commerciaux et à soutenir la croissance hors hydrocarbures. Le ministre des Transports, Honoré Sayi, a salué « une coopération technique à haute valeur ajoutée », soulignant que l’expertise turque complétera les efforts de modernisation déjà engagés sur les quais de Pointe-Noire.
La Turquie, un interlocuteur ascendant en Afrique centrale
L’ancrage d’Albayrak s’inscrit dans la stratégie d’Ankara de multiplier, depuis une décennie, les points d’appui logistiques sur le littoral atlantique africain. Un diplomate turc en poste à Libreville rappelle que « le Congo occupe une position charnière entre le marché d’Afrique centrale et les routes maritimes de l’Atlantique Sud ». Pour Brazzaville, l’arrivée d’un acteur turc de premier plan, déjà présent en Somalie, au Togo ou en Sierra Leone, élargit le spectre de ses partenaires au-delà des alliances traditionnelles avec la France, la Chine ou les institutions multilatérales.
Synergies attendues pour le corridor Pointe-Noire–Brazzaville
Les services que déploiera Albayrak — manutention de conteneurs, gestion d’entrepôts, services douaniers intégrés — devraient rationaliser le flux de marchandises qui transitent par le port autonome de Pointe-Noire avant de remonter le corridor ferroviaire jusqu’à Brazzaville et, au-delà, jusqu’à Bangui et Ndjamena. Les autorités congolaises envisagent une augmentation de capacité évaluée à 35 % d’ici trois ans, condition sine qua non pour absorber la demande sous-régionale. Un expert de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale estime que « la standardisation des procédures numériques qu’introduit Albayrak pourrait réduire de deux jours le temps moyen d’escale », élément non négligeable pour attirer les armateurs en quête de fluidité.
Des retombées socio-économiques surveillées par les bailleurs
Sur le plan social, le protocole d’accord prévoit la création progressive d’un millier d’emplois directs et la montée en compétence d’équipes locales à travers des programmes de formation technique. La Banque africaine de développement, déjà impliquée dans la modernisation du port depuis 2012, observe avec intérêt l’arrivée du groupe turc, considérant que le partage de risques entre public et privé renforce la crédibilité du site auprès des investisseurs tiers. Les partenaires financiers rappellent cependant l’importance d’une gouvernance transparente, socle indispensable pour maintenir le classement de Pointe-Noire dans les indices internationaux de performance portuaire.
Les défis de la gouvernance portuaire à l’épreuve de la concurrence régionale
La présence d’Albayrak intervient dans un contexte de compétition accrue entre hubs atlantiques. À quelques milles nautiques, le port de Kribi au Cameroun et celui de Tema au Ghana déploient des stratégies similaires. Brazzaville mise sur un modèle de concession encadrée : l’État conserve la propriété du domaine, tandis que l’opérateur étranger assure l’exploitation et les investissements de modernisation. Ce schéma doit permettre de garantir à la fois la souveraineté des infrastructures et leur mise à niveau selon les standards internationaux. Les observateurs retiennent que la réussite de cette co-gouvernance pèsera sur l’attractivité du Congo au sein des chaînes de valeur mondiales.
Horizon 2030 : place du Congo dans la chaîne logistique mondiale
À moyen terme, l’objectif affiché consiste à faire de Pointe-Noire un pont maritime vers l’hinterland d’Afrique centrale, tout en connectant le pays aux lignes Sud-Sud reliant l’Amérique latine et l’Asie. Selon la Chambre de commerce et d’industrie, la croissance du trafic pourrait hisser la contribution du secteur logistique à près de 8 % du PIB d’ici 2030. Pour la diplomatie congolaise, la concrétisation d’un tel scénario renforcera le rôle du pays comme plateforme d’intégration sous-régionale, fidèle à l’engagement du président Denis Sassou Nguesso en faveur d’un développement ouvert mais maîtrisé. En filigrane, l’arrivée d’Albayrak rappelle que la diversification économique du Congo se joue autant sur les quais que dans les chancelleries.