Alliance sino-marocaine pour une agriculture de nouvelle génération
Dans un contexte mondial où la sécurité alimentaire demeure sous tension, Rabat vient de franchir un pas supplémentaire vers la modernisation de son appareil agricole. Le ministère marocain de l’Agriculture a paraphé un accord de co-investissement avec Jungnong Group, émanation hong-kongaise du géant public chinois Agricultural Development Group, portant sur la création d’une coentreprise de 22 millions de dollars. L’initiative illustre le souci croissant des décideurs marocains de diversifier leurs partenariats, tout en capitalisant sur le savoir-faire asiatique en matière d’agrotechnologie. « Nous voulons stimuler l’innovation tout en démontrant que l’efficience hydrique est compatible avec la rentabilité », résume un haut fonctionnaire du département de l’Agriculture, convaincu que cette coopération illustre la diplomatie économique chère aux deux capitales.
Efficacité hydrique et vergers à forte valeur ajoutée
Au cœur du dispositif figure l’irrigation de précision, domaine où la Chine a considérablement progressé ces dix dernières années. Dans les zones semi-arides du Haouz et du Souss, la coentreprise déploiera des capteurs connectés capables d’ajuster la micro-aspersion en fonction des besoins réels des plantes et des données météo en temps réel. L’objectif déclaré consiste à réduire d’au moins 40 % la consommation d’eau par hectare, un impératif quand le déficit pluviométrique dépasse régulièrement 30 % de la moyenne décennale. Les techniciens prévoient en outre la réhabilitation de centaines d’hectares de sols salinisés par un mélange d’amendements organiques et de catalyseurs chimiques doux. Cette remise en état doit ouvrir la voie à la culture d’oliviers, de grenadiers, d’amandiers et de figuiers, espèces naturellement sobres et prisées sur les marchés d’exportation à forte valeur ajoutée.
Transmission des compétences et montée en gamme technologique
Le projet ne se limite pas à un angle capitalistique ; il mise résolument sur le facteur humain. Un centre de formation professionnelle adossé à la coentreprise accueillera chaque année près de 300 stagiaires, agronomes et techniciens. Les cursus introduiront les outils de cartographie par drone, la télédétection multispectrale et l’intelligence artificielle dédiée à la modélisation des rendements. Pour le ministère marocain, ce transfert de compétences est déterminant : « Former les ingénieurs d’aujourd’hui, c’est sécuriser les récoltes de demain », martèle un responsable pédagogique. Les concepteurs espèrent ainsi créer un vivier local capable de déployer les innovations au-delà des périmètres pilotes.
Un modèle exportable vers le pourtour méditerranéen et le Sahel
En arrière-plan, l’ambition marocaine dépasse les frontières nationales. Les promoteurs souhaitent que ce laboratoire à ciel ouvert serve de vitrine pour des pays aux conditions agro-climatiques similaires, du Sud de l’Espagne aux plaines sahéliennes. La vocation exportatrice est d’autant plus tangible que le projet s’imbrique dans la stratégie Green Generation 2020-2030, feuille de route qui vise à tripler la valeur ajoutée agricole et à créer 350 000 emplois. Aux yeux des diplomates observateurs, cette opération offre au Maroc un double dividende : consolider sa réputation de hub africain de l’agrobusiness et conforter le socle d’une coopération sino-marocaine équilibrée, où la technologie se conjugue à la souveraineté alimentaire. En filigrane, la démarche illustre la montée en puissance de partenariats à impact qui, tout en restant compatibles avec les objectifs climatiques, génèrent des opportunités économiques et sociales tangibles. Dans un environnement régional marqué par la raréfaction des ressources hydriques, l’alliance avec Jungnong apparaît ainsi comme un pari stratégique dont les retombées pourraient, à terme, reconfigurer les chaînes de valeur agricoles de l’ensemble du corridor méditerranéen.