Une mobilisation diplomatique visible à Abuja
Au cœur des trente-deuxièmes Assemblées Générales d’Afreximbank, tenues dans la capitale nigériane, la délégation gabonaise a suscité une attention soutenue. Porté par le ministre d’État de l’Économie, des Finances, de la Dette et des Participations, Henri-Claude Oyima, le Gabon a multiplié les rencontres bilatérales aussi bien avec les dirigeants de la banque panafricaine qu’avec les représentants des institutions sœurs venues de tout le continent. Dans les allées du centre de conférences, l’activisme d’Oyima a été salué par plusieurs observateurs qui y voient la confirmation d’une diplomatie économique « assumée et offensive », selon les termes d’un haut fonctionnaire ouest-africain présent sur place.
Un prêt concessionnel pour soutenir les réformes macroéconomiques
Premier résultat tangible de cette séquence abujanaise : la mise à disposition d’une ligne concessionnelle de 200 millions de dollars. Doté d’une maturité longue et d’un taux d’intérêt préférentiel, l’instrument devrait financer le programme de réformes macroéconomiques engagé à Libreville depuis 2023. L’objectif affiché consiste à réduire la dépendance structurelle aux recettes pétrolières tout en consolidant la soutenabilité de la dette publique. « Le produit du prêt sera prioritairement orienté vers la stabilisation des équilibres budgétaires et la relance de l’investissement productif », a précisé un conseiller technique du ministère, mettant en avant la volonté de renforcer la crédibilité du cadre macroéconomique auprès des partenaires multilatéraux.
Un mémorandum de trois milliards pour diversifier l’économie réelle
C’est toutefois la signature d’un mémorandum d’entente chiffré à 3 milliards de dollars qui a retenu l’attention des chancelleries économiques. Le texte acte la création d’un portefeuille de projets couvrant cinq secteurs stratégiques : infrastructures, énergie, santé, agriculture et industries de transformation. Afreximbank s’engage à mobiliser, en partenariat avec des investisseurs privés, un éventail de financements adaptés à chaque segment, qu’il s’agisse de prêts syndiqués, de garanties ou d’instruments de trade finance. Libreville entend, pour sa part, fournir les réformes réglementaires nécessaires afin de fluidifier la mise en œuvre, notamment sur le plan de la facilitation des importations de biens d’équipement.
Implications régionales et rôle moteur du Gabon
Au-delà de la seule dimension financière, l’accord consacre le positionnement du Gabon comme interlocuteur privilégié dans les nouvelles dynamiques d’intégration économique continentale. Situé au carrefour de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, le pays pourrait devenir une plateforme régionale pour les chaînes de valeur émergentes, en particulier dans la transformation du bois, l’agro-industrie et les services logistiques. Un expert du secrétariat de la Zone de libre-échange continentale africaine observe que « la crédibilité budgétaire renforcée, combinée à un accès facilité au capital, place Libreville en situation de catalyser des projets transfrontaliers à forte valeur ajoutée ». Une telle évolution serait en phase avec les orientations de la CEMAC, qui vise à densifier les échanges intrarégionaux sans remettre en question la stabilité institutionnelle des États membres, notamment le Congo voisin.
Perspectives et regards des bailleurs internationaux
Les partenaires techniques et financiers scrutent désormais la capacité d’exécution de l’administration gabonaise. La crédibilité du calendrier dépendra de la rapidité avec laquelle les études de faisabilité seront finalisées et des mécanismes de gouvernance retenus pour encadrer les décaissements. Selon un économiste basé à Paris, le dispositif pourrait servir de « laboratoire africain du blended finance », en combinant fonds publics, garanties multilatérales et capitaux privés, tout en respectant les standards de soutenabilité de la dette promus par le FMI. Cette perspective rejoint la stratégie d’Afreximbank qui, sous la houlette de son président Benedict Oramah, encourage les approches holistiques reliant commerce, industrialisation et résilience macrofinancière.
De la signature à la mise en œuvre : le défi de la concrétisation
Les rassemblements internationaux abondent en annonces spectaculaires, mais leur traduction opérationnelle demeure souvent le véritable test. Dans le cas gabonais, la gouvernance des projets et la transparence des procédures d’attribution constitueront des critères scrutés par les agences de notation tout comme par les investisseurs institutionnels. Libreville affirme disposer d’un dispositif de suivi piloté par un comité interministériel et appuyé par des cabinets de conseil indépendants. « Nous sommes déterminés à faire de ces financements un levier de transformation structurelle, pas un simple relais conjoncturel », assure un responsable du Trésor gabonais. Si ce cap est maintenu, le Gabon pourrait consolider une trajectoire de croissance inclusive, capable d’atténuer les volatilités externes et de renforcer son rôle au sein des architectures financières africaines en pleine mutation.