Dernier départ pour Lekéty
Le cercueil couvert du drapeau olympique quittera Brazzaville ce 7 novembre, direction Lekéty, son village de la Cuvette Ouest. Jean Paul Ngaloua, disparu le 9 octobre à 84 ans, y reposera aux côtés des siens, conformément au souhait exprimé par sa famille.
Ce départ marquera le début de trois jours d’hommages officiels culminant mercredi, jour de l’inhumation, qui ponctuera plus d’un mois d’élan solidaire autour de la figure du secrétaire général du Comité national olympique et sportif congolais, affectueusement appelé « SG » par ses pairs.
Un dernier adieu émouvant au gymnase Nicole Oba
Lundi, le parquet du gymnase Nicole Oba s’est transformé en parterre de fleurs et de judogis. Les fédérations de karaté, judo, lutte et boxe ont enchaîné kata, randori et shadow boxing, mêlant discipline et recueillement sous les yeux de plusieurs centaines de sportifs en larmes.
« Il maniait l’art du consensus comme personne », a rappelé André Blaise Bollet, premier vice-président du Cnosc, au micro installé au centre du tatami. L’oraison a déclenché une longue ovation avant que la sonorisation ne diffuse l’hymne olympique, repris en chœur par l’assistance.
À l’arrière, d’anciens élèves venus des lycées Savorgnan de Brazzaville brandissaient d’antiques diplômes d’éducation physique, souvenirs du temps où Ngaloua formait la future élite sportive. « Il croyait au potentiel de chaque enfant », confie Barthélémy Makosso, aujourd’hui entraîneur national de lutte.
Parcours d’un bâtisseur du sport congolais
Né en 1941, à Lekéty, alors petite bourgade de la Cuvette Ouest, Jean Paul Ngaloua découvre l’olympisme dans les années 1960, lorsqu’il étudie à l’École normale. Diplômé, il rejoint l’enseignement avant d’être nommé inspecteur de la jeunesse et des sports au début des années 1980.
Sa méthode conjugue rigueur pédagogique et convivialité. Cette alchimie le propulse, en 2002, au siège du Cnosc comme directeur de cabinet auprès du président d’alors, le colonel Henri Boukambou. Pendant sept ans, il prépare dossiers, budgets et comptes-rendus, se forgeant une réputation d’infatigable archiviste.
En 2009, l’assemblée générale l’élit secrétaire général. À ce poste, il pilote l’accréditation des athlètes congolais aux Jeux d’été de Londres, Rio et Tokyo, tout en orchestrant la création d’un centre médical olympique à Kintele. Ses collègues saluent son sens du détail et son calme rassurant.
En 2021, le Mouvement olympique africain lui remet la Distinction d’or pour services rendus, décision unanimement applaudie à Addis-Abeba. « Sa plume, sa mémoire et son humanisme ont servi d’exemple à toute une génération de secrétaires généraux », souligne la Camerounaise Ama Biko, présidente du jury.
Un héritage salué au-delà des frontières
Les messages affluent depuis quatre continents. Thomas Bach, président du Comité international olympique, évoque « un partenaire fiable et chaleureux ». Le secrétaire général de l’Association des comités nationaux africains rappelle pour sa part le rôle de Ngaloua dans la mise en place d’un programme régional d’intégrité sportive.
À Brazzaville, les ministères de la Jeunesse et des Sports et de l’Enseignement supérieur ont fait parvenir des couronnes. Le ministre Hugues Ngouélondélé insiste sur « la vision inclusive de ce grand serviteur de l’État, toujours soucieux de rapprocher le sport de la recherche scientifique ».
La Confédération africaine de judo propose de dédier à sa mémoire la prochaine Coupe d’Afrique juniors. Si la proposition est adoptée, le trophée pourrait porter le nom de Jean Paul Ngaloua dès l’édition 2024, rappelant ainsi son engagement pour les catégories de base.
Un ultime repos à Lekéty, village natal
Le convoi funéraire traversera Owando puis Makoua avant d’emprunter la route départementale récemment réhabilitée. Dans la bourgade verdoyante, les notables ont organisé veillées, chants et danses traditionnelles mbochi. Une tribune a été dressée à l’école primaire, où il fit ses premières classes.
Les autorités locales prévoient une messe en plein air suivie d’un dépôt de terre symbolique par les élèves de l’actuel collège. « Son retour est un événement fédérateur », se réjouit le sous-préfet, qui espère transformer la désaffection scolaire en dynamisme sportif durable.
Dans le carré familial, un stèle sobre portera l’emblème olympique gravé dans le granit. Selon sa fille cadette, il souhaitait que les visiteurs repartent « avec l’envie d’encourager les jeunes ». Un livre d’or sera mis à disposition pour recueillir signatures et souvenirs.
Les valeurs olympiques à perpétuer
Pour le Cnosc, l’enjeu désormais est de transformer le deuil en moteur. Une réunion extraordinaire se tiendra fin novembre afin d’accélérer la mise en œuvre du plan de détection des talents régionaux, projet auquel Ngaloua consacrait encore ses soirées, quelques jours avant son hospitalisation.
La famille sportive appelle enfin à un don de sang massif pour alimenter la banque nationale, geste qu’il promouvait inlassablement. Cette chaîne de solidarité, couplée à l’annonce d’une bourse annuelle au nom de Jean Paul Ngaloua, incarne la continuité de son action humaniste.
En interne, le bureau exécutif débat déjà de la meilleure façon d’immortaliser son nom au siège de la capitale. Parmi les options, la salle de conférence pourrait être rebaptisée « Espace Ngaloua », tandis qu’une exposition permanente retracerait ses vingt-et-un ans de correspondances et de projets.
La décision finale devrait être annoncée lors de la rentrée sportive de janvier.
