Temporalité budgétaire et signaux convergents
Le gouvernement camerounais a livré au Parlement les grandes lignes d’un Document de programmation économique et budgétaire à moyen terme couvrant la période 2026-2028. En toile de fond, les chiffres arrêtés pour le premier trimestre 2025 dessinent une photographie contrastée : sur 1 834 milliards de FCFA attendus, 1 507 milliards ont été effectivement encaissés, soit 82 % de l’objectif initial. L’écart apparent de 326 milliards se lit pourtant moins comme une faillite que comme l’illustration d’un momentum fiscal sous tension, dans un environnement international où l’appétit pour les marchés émergents reste fluctuant.
Recettes internes : la performance fiscale mise à l’épreuve
Les 1 186 milliards de FCFA collectés en recettes internes traduisent un taux de réalisation de près de 86 %. Cet indicateur, supérieur à la moyenne observée dans plusieurs économies comparables d’Afrique centrale, s’explique par le renforcement de l’administration fiscale et douanière depuis 2022. Les ajustements opérés sur la fiscalité pétrolière ont permis d’amortir partiellement la baisse des cours, tandis que les régies non fiscales, telles que les redevances aéroportuaires ou les dividendes publics, ont souffert d’un rendement moindre qu’escompté. Un haut responsable du ministère des Finances confie que « la transformation numérique engagée depuis deux ans porte ses fruits, mais le réservoir des niches domestiques n’est pas infini ».
Apports extérieurs : une fenêtre encore étroite
Les ressources dites externes – emprunts et dons confondus – n’affichent qu’un taux de mobilisation de 71,6 %, soit 321 milliards de FCFA sur les 448 milliards attendus. Yaoundé attribue ce différentiel aux calendriers différés de décaissement des partenaires bilatéraux et multilatéraux, ainsi qu’à un marché obligataire régional davantage capté ces derniers mois par des émissions souveraines concurrentes. Un analyste d’une banque de développement régionale note que « la concurrence pour les mêmes poches de liquidités est vive, d’autant que certains émetteurs présentent aujourd’hui des profils de risque retravaillés après le succès d’opérations de reprofilage, à l’instar du Congo-Brazzaville qui a su stabiliser ses fondamentaux et rassurer les investisseurs ».
Dette et soutenabilité : la ligne de crête
Sur le plan de la viabilité, la dette publique camerounaise avoisine 46 % du PIB, un seuil que les partenaires techniques jugent encore gérable, bien qu’appelant à une vigilance accrue. Le choix d’accélérer les investissements structurants – port de Kribi, chemins de fer miniers ou zones industrielles – doit composer avec un service de la dette projeté à plus de 900 milliards de FCFA en 2025. Les experts du FMI plaident pour une priorisation fine, tandis que l’exécutif assure privilégier les projets à effet d’entraînement rapide sur les recettes non pétrolières.
Conjoncture régionale : nuances d’un environnement mouvant
Le contexte sous-régional est marqué par des cours des matières premières moins porteurs qu’en 2022 et par la remontée des taux directeurs des grandes banques centrales. Dans ce paysage, la Banque des États de l’Afrique centrale module prudemment son soutien à la liquidité, encourageant les États à consolider leurs bases fiscales. Certains voisins, tels que le Congo-Brazzaville, ont misé sur une diplomatie économique active pour diversifier leurs guichets de financement, un exemple que Yaoundé observe avec intérêt.
Lecture diplomatique des écarts constatés
Les partenaires du Cameroun interprètent la sous-réalisation du premier trimestre non comme un indicateur alarmant mais comme un rappel à l’orthodoxie budgétaire. Les chancelleries européennes, en particulier, apprécient la transparence croissante des chiffres communiqués et la volonté affichée de rationaliser les subventions énergétiques. Pour autant, la mobilisation accélérée des dons reste tributaire de la montée en cadence de projets alignés sur les agendas climat et gouvernance, domaines où la concurrence pour l’aide internationale se durcit.
Vers une reconfiguration stratégique des priorités
À moins d’un an de l’élaboration du budget 2026, l’exécutif camerounais affine sa matrice de dépenses. Les chantiers d’infrastructures devraient être séquencés en modules pour limiter la pression sur la trésorerie. De sources concordantes, le ministère du Plan envisage d’augmenter la part des partenariats public-privé, mécanisme déjà éprouvé par certains États de la sous-région pour mutualiser le risque. Dans ce réajustement, le gouvernement s’efforce de maintenir l’équilibre entre impératif de développement et prudence macroéconomique, conscient qu’une cohérence budgétaire demeure la meilleure garantie de crédibilité face aux bailleurs comme aux marchés.