Séville, carrefour d’un débat mondial sur la finance du développement
Sous le ciel andalou, la 4ᵉ Conférence internationale sur le financement du développement a réuni gouvernements, institutions multilatérales et voix de la société civile autour d’un constat désormais récurrent : la mécanique financière censée porter l’Agenda 2030 accuse un retard structurel. C’est dans ce cadre que le ministre congolais de la Coopération internationale et de la Promotion du partenariat public-privé, Denis Christel Sassou Nguesso, a pris la parole le 1ᵉʳ juillet, inscrivant la diplomatie de Brazzaville parmi les plus audibles sur la scène des réformateurs.
Le rendez-vous de Séville, qui s’est tenu du 30 juin au 3 juillet, n’avait rien d’un conclave technocratique. Il s’agissait de réfléchir à la manière de relier des promesses multilatérales ambitieuses aux flux financiers réellement disponibles pour les pays du Sud. Dans cette arène, la position congolaise s’est exprimée avec clarté : sans transformation de la gouvernance financière globale, les Objectifs de développement durable resteront des vœux pieux pour une large partie de la planète.
Une architecture financière jugée inadaptée aux réalités du Sud
Rappelant que « les ODD demeurent hors de portée pour trop de nations faute de mécanismes ajustés à leurs vulnérabilités », le ministre congolais a dénoncé la persistance d’une représentation asymétrique des pays africains dans les instances financières internationales. Les dispositifs de prêt et les critères de notation continuent, selon lui, de « pondérer le risque avec des lunettes d’un autre siècle », créant une prime de risque artificielle pesant sur les budgets nationaux.
La réforme proposée suggère une redéfinition de la gouvernance au sein des institutions de Bretton Woods, un accès élargi aux financements climatiques et une révision des agences de notation, jugées trop peu sensibles aux réalités de résilience et de croissance verte sur le continent. Ce plaidoyer trouve un écho croissant auprès de plusieurs pays d’Amérique latine et du Pacifique, eux aussi confrontés à une pénalisation systémique dans l’accès aux marchés.
Capital naturel et créatif : atout maître du bassin du Congo
Le Congo, dont 65 % du territoire est couvert de forêts denses, rappelle depuis plusieurs années que l’économie du carbone ne peut ignorer le rôle stabilisateur de ces puits de CO₂. « Nulle lutte crédible contre le changement climatique sans valorisation effective des services écosystémiques des pays forestiers tropicaux », a martelé Denis Christel Sassou Nguesso.
Dans une approche qui conjugue diplomatie environnementale et innovation financière, Brazzaville défend l’idée d’un mécanisme de rémunération des services écosystémiques, ouvrant la voie à des flux stables de devises et à une réduction corrélative de la dette. Cette position rejoint les appels des Nations unies pour une prise en compte du critère de vulnérabilité multidimensionnelle dans l’allocation des financements.
Une obligation verte souveraine comme signal marché
Au-delà du plaidoyer verbal, la République du Congo entend démontrer sa crédibilité en inaugurant, courant 2024, une obligation verte souveraine. Cet instrument, adossé à des projets de conservation forestière et de développement d’infrastructures résilientes, doit permettre d’attirer des investisseurs sensibles aux critères ESG tout en diversifiant la base de financement de l’État.
La préparation de cette émission se fait sous l’égide d’un cadre national de financement intégré et d’une stratégie de gestion soutenable de la dette. Cette discipline budgétaire est perçue comme un avantage comparatif face aux marchés, dans un contexte où les spreads africains subissent encore l’ambiance monétaire restrictive au Nord.
Diplomatie de couloir : le dialogue Lisboa–Brazzaville
En marge des travaux, le ministre congolais a échangé avec la secrétaire d’État portugaise aux Affaires étrangères, Ana Isabel Xavier. Lisbonne sollicite l’appui de Brazzaville pour un siège non permanent au Conseil de sécurité des Nations unies en 2027-2028. En retour, la diplomatie congolaise espère le soutien lusitanien à la candidature de Firmin Édouard Matoko à la direction générale de l’Unesco.
Cette séquence illustre la capacité du Congo à inscrire ses priorités éducatives et culturelles dans le sillage d’alliances ciblées, tout en consolidant son réseau de partenaires européens sur des dossiers à forte valeur symbolique.
Réforme des notations : une question de souveraineté perçue
Le dossier de la notation souveraine demeure central. Pour Brazzaville, comme pour nombre de capitales africaines, la méthodologie des agences doit intégrer la dimension climat et la trajectoire de diversification économique. « Il ne s’agit pas de chercher l’indulgence, mais une lecture analytique qui reflète la valeur des actifs verts et l’engagement réformateur », insiste un conseiller financier du ministère.
Un groupe de travail, associant experts africains, bailleurs multilatéraux et agences, est annoncé pour évaluer la faisabilité d’indicateurs plus holistiques. L’objectif est triple : réduire les coûts d’emprunt, accroître la liquidité des titres africains et stimuler la confiance des investisseurs institutionnels.
Vers un multilatéralisme de solidarité et de responsabilité partagée
Le discours congolais à Séville s’est conclu sur un appel à « un multilatéralisme refondé sur la justice, la solidarité et l’équité des responsabilités ». Dans une salle attentive, le ministre a rappelé que la réussite de l’Agenda 2030 dépendra de la capacité collective à mobiliser les 4 000 milliards de dollars annuels estimés nécessaires pour combler l’actuel déficit de financement du développement, tout en évitant de reproduire les asymétries passées.
En alignant propositions techniques et présence diplomatique, Brazzaville confirme une stratégie d’influence qui se veut pragmatique. La combinaison d’initiatives novatrices – obligation verte, cadre intégré de financement, partenariats public-privé modernisés – et de propositions de réforme à l’échelle mondiale positionne le Congo comme un acteur force de proposition sur la scène du développement durable.