Un maestro de la rumba au service du soft power congolais
La prochaine apparition radiophonique de Loko Massengo, prévue dimanche à 8h00 sur les ondes de Radio Congo, dépasse de loin le simple exercice promotionnel. Figure tutélaire de la rumba congolaise, le « Showman » aborde désormais chacun de ses passages médiatiques comme un acte de diplomatie culturelle, offrant au Congo-Brazzaville une vitrine sonore capable d’attirer l’attention bien au-delà du bassin du fleuve. Né en 1947 à Léopoldville, mais de parents brazzavillois, l’artiste incarne cette porosité identitaire qui fait la singularité de la diplomatie sous-régionale. Son tube « Beauté noire », enregistré en 1983, demeure un hymne transgénérationnel illustrant la capacité de la musique à traverser frontières et régimes sans perdre de sa vigueur.
Des ondes de Radio Congo à la diplomatie culturelle francilienne
Installé à Paris depuis 1986, Loko Massengo s’est mué en relais incontournable de l’influence brazzavilloise au cœur de la capitale française. Lorsque le chanteur évoquera, aux côtés du journaliste Jean-Jacques Jarele Sika, les secrets de sa danse « Bloqué zingué », c’est tout un pan de l’imaginaire congolais qui sera convoqué dans les foyers hexagonaux et africains. Cette visibilité suppose une convergence d’intérêts : pour Brazzaville, elle nourrit la diplomatie d’influence initiée de longue date par les autorités et renforcée, ces dernières années, par la volonté présidentielle de promouvoir les industries créatives comme vecteur de croissance. Pour Paris, elle témoigne d’un attachement renouvelé à une francophonie plurielle où la rumba agit comme catalyseur d’échanges culturels et économiques.
Le témoignage d’une légende, miroir des mutations politiques
En décortiquant la dissolution des formations Trio Madjesi et Trois Frères, l’artiste prolongera une histoire que les historiens associent souvent aux transitions politiques régionales des années 1970-1980. Sans jamais céder au registre polémique, son regard rétrospectif pourrait éclairer la manière dont la musique a accompagné les phases de consolidation étatique au Congo. Ainsi, la trajectoire du chanteur illustre le rôle de la création artistique comme baromètre sociopolitique : elle absorbe les tensions, reflète les transformations, tout en demeurant porteuse d’un message consensuel orienté vers l’unité nationale, ligne directrice chère aux autorités de Brazzaville.
La diaspora artistique, partenaire discret de l’émergence nationale
Au-delà de l’anecdote musicale, l’émission rappellera le poids stratégique de la diaspora congolaise dans la diffusion d’une image stable et attractive du pays. Massengo, membre fondateur du groupe Kékélé aux côtés de Bumba Massa ou Nyboma, illustre l’alliage subtile entre réussite individuelle et contribution collective. « La rumba n’est pas un simple rythme, c’est un passeport », confiait-il récemment à un confrère parisien. Un passeport qui ouvre les portes des scènes internationales et favorise les synergies économiques, notamment dans l’événementiel et le tourisme culturel, secteurs que le gouvernement congolais encourage pour diversifier la base productive nationale.
Vers une résonance régionale : la rumba comme trait d’union
En consacrant quinze minutes d’antenne à cet architecte du patrimoine sonore africain, Radio Congo donne la mesure de l’importance stratégique accordée aux industries culturelles. Les experts interrogés à Brazzaville soulignent la pertinence d’une telle programmation au moment où l’Union africaine inscrit la créativité parmi les leviers de développement durable. Le rayonnement de la rumba, inscrite au patrimoine immatériel de l’UNESCO, consolide la stature internationale du Congo-Brazzaville et renforce le dialogue sous-régional, notamment avec la République démocratique du Congo. À la veille de nouveaux projets d’intégration économique, l’harmonie rythmique pourrait bien précéder l’harmonie politique, illustrant ainsi le propos d’un diplomate congolais : « Là où la parole échoue, le tambour ouvre la voie ».